La Cour de cassation consacre le droit des télétravailleurs aux titres-restaurant au nom du principe d’égalité de traitement

13 octobre 2025
Par deux arrêts rendus le 8 octobre 2025 (n° 24-12.373 et n° 24-10.566), la Cour de cassation a affirmé le droit des télétravailleurs aux titres-restaurant en vertu du principe selon lequel le salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits que celui travaillant dans les locaux de l’entreprise.
L’interdiction de priver le télétravailleur des titres-restaurant
Dans la première affaire (n° 24-12.373), un salarié ayant exercé son activité en télétravail entre le 16 mars 2020 et le 30 mars 2022 avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement de la contribution patronale aux titres-restaurant. L’employeur refusait de lui accorder cet avantage au motif que son activité était exercée à domicile.
La Cour de cassation rappelle, sur le fondement de l’article L. 1222-9 du Code du travail, que le télétravailleur doit bénéficier des mêmes droits et avantages que les salariés présents dans les locaux de l’entreprise. Combiné avec les articles L. 3262-1 et R. 3262-7 du même code, relatifs aux titres-restaurant, ce principe conduit à considérer que le seul critère d’éligibilité aux titres-restaurant est la présence d’un repas compris dans la journée de travail.
En conséquence, le fait de réserver cet avantage aux seuls salariés présents sur site constitue une différence de traitement dépourvue de justification objective et pertinente, l’employeur ne pouvant, en effet, se fonder sur le mode d’organisation du travail pour exclure les salariés en télétravail du bénéfice des titres-restaurant.
Cette décision consacre ainsi, de manière explicite, l’égalité de traitement entre salariés sur site et salariés en télétravail s’agissant de l’accès à cet avantage.
La portée du principe d’égalité et les limites de l’action syndicale
Dans un second arrêt rendu le même jour (n° 24-10.566), la Haute juridiction est venue préciser les conditions d’application de ce principe d’égalité au regard d’un usage d’entreprise.
Elle constate qu’un usage existait au sein de l’entreprise, consistant à attribuer des titres-restaurant aux salariés dépourvus d’accès au restaurant d’entreprise, notamment en raison de leur éloignement géographique ou du caractère itinérant de leurs fonctions. Cet avantage, ainsi consenti, n’ayant pas été dénoncé, il ne pouvait être suspendu lors du placement des salariés en télétravail pendant la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19.
Il devait donc bénéficier à tous les salariés placés en télétravail dès lors que le restaurant d’entreprise était fermé et que tous les salariés se trouvaient placés dans une situation identique au regard de l’avantage lié à la restauration et il ne pouvait être fait de différence entre eux en considération de leur situation antérieure sans porter atteinte au principe d’égalité de traitement.
La Cour écarte l’argument selon lequel la disponibilité d’une cuisine au domicile des télétravailleurs constituerait une justification suffisante pour leur refuser les titres-restaurant. Une telle distinction méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement dès lors que les salariés étaient tous confrontés aux mêmes contraintes matérielles de restauration.
Toutefois, la Cour casse partiellement l’arrêt d’appel en ce qu’il avait fait droit aux demandes syndicales de régularisation rétroactive (attribution de titres-restaurant ou versement d’une somme équivalente). Elle rappelle à cette occasion que de telles prétentions relèvent de la liberté individuelle de chaque salarié et non de la défense de l’intérêt collectif de la profession. Les organisations syndicales peuvent seulement agir pour faire cesser une irrégularité ou obtenir réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession, mais non pour solliciter la régularisation des situations individuelles.
Une confirmation du principe d’égalité de traitement en contexte de télétravail
Par ces décisions, la Cour de cassation décide que le mode d’exécution du travail ne saurait justifier une différence de traitement entre salariés placés dans une situation comparable.
Ainsi, le télétravail ne peut, en lui-même, entraîner la perte d’un avantage collectif attaché aux conditions d’exercice de l’activité, sauf justification objective et pertinente.
Ces deux décisions mettent fin aux incertitudes résultant des divergences de solutions entre les juges du fond et apportent une réponse nette à la question du droit des salariés en télétravail aux titres-restaurant.
On peut tout de même s’interroger sur cette position qui aligne la situation des télétravailleurs sur celle des travailleurs sur site en dépit de la possibilité qu’ils ont, en fait, de se restaurer à leur domicile alors que, par ailleurs la chambre sociale de la Cour de cassation décide qu’ils peuvent prétendre à une indemnité d’occupation de leur domicile lorsqu’ils font de celui-ci le lieu de leur activité à distance (Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-17.315, publié ; Cass. soc., 2 avril 2025, n°23-22.158) : égaux, mais avec leurs propres avantages.
Previous Story
DRH de Start-up : comment réussir ses premières élections professionnelles ?
Next Story
This is the most recent story.
Related Posts
J – 180 avant les JO : comment adapter votre organisation ?... 9 février 2024 | Pascaline Neymond

Virus mpox ou « variole du singe » : les préconisation du ministère du Tra... 27 août 2024 | Pascaline Neymond

Panorama du contentieux social : synthèse des décisions obtenues par CMS Franc... 23 juillet 2020 | CMS FL Social

Reconfinement du pays : les conditions et les modalités sont précisées... 30 octobre 2020 | CMS FL Social

Télétravail : une mise en œuvre simplifiée mais à quels coûts pour l’ent... 25 mai 2018 | CMS FL

Mise en place du télétravail en entreprise : une solution pour faire face aux ... 17 février 2020 | CMS FL Social

Une application jurisprudentielle plus réaliste de l’égalité de traitement... 9 novembre 2016 | CMS FL

Directive européenne sur la transparence salariale : du nouveau pour l’égali... 20 juillet 2023 | Pascaline Neymond

Articles récents
- La Cour de cassation consacre le droit des télétravailleurs aux titres-restaurant au nom du principe d’égalité de traitement
- DRH de Start-up : comment réussir ses premières élections professionnelles ?
- Annulation en justice du PSE homologué : le Conseil d’Etat précise les règles de révision du PSE unilatéral !
- Le droit de se taire n’a pas à être notifié au salarié
- Procédure disciplinaire et licenciement : le Conseil constitutionnel tranche sur le droit de se taire
- Intelligence artificielle : le forçage de la consultation du CSE
- Les arrêts du 10 septembre 2025 sur les congés payés ou le syndrome du juge légiférant
- Conférence : Introduction de l’IA en entreprise : décrypter et maîtriser les enjeux juridiques
- Congés payés : la Cour de cassation poursuit la mise en conformité du droit français avec le droit de l’Union européenne
- Actualité sociale de l’été et de la rentrée 2025