Accident du travail en cours de préavis : attention à la protection !
30 avril 2025
En cas de maladie professionnelle ou d’accident de travail, le contrat de travail est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail. Pendant cette période, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail du salarié, sauf cas de faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident (C. trav., art L.1226-9).
Certains salariés ont tenté de se saisir de ces dispositions pour échapper à un licenciement, en déclarant un accident du travail dès qu’une procédure disciplinaire est engagée à leur encontre.
Dans un arrêt récent, la cour d’appel de Bordeaux précise que ces règles protectrices jouent également lorsque l’accident du travail survient pendant le préavis (CA Bordeaux, 3 juillet 2024, n°21/04167).
La déclaration d’un accident de travail comme rempart contre le licenciement
Certains avocats considèrent que la protection du salarié contre le licenciement en cas d’arrêt consécutif à un accident du travail s’appliquerait dès que l’intéressé a fait part à son employeur de l’origine prétendument professionnel de l’arrêt de travail du salarié, c’est-à-dire même en l’absence de reconnaissance du caractère professionnel de cet accident par la caisse primaire d’assurance maladie.
Faute d’appuis jurisprudentiels solides, il convient dès lors de prendre les plus grandes précautions lorsqu’un tel accident est déclaré.
Or, pour la jurisprudence, l’impossibilité de maintenir le contrat du salarié ne peut être établie que dans des circonstances rarissimes comme en cas de cessation de l’activité de l’entreprise, par exemple (Cass. soc., 15 mars 2005, n°03-43.038).
Sauf à pouvoir justifier d’une faute grave, le licenciement du salarié se déclarant accidenté du travail devient dès lors très périlleux.
En effet, le licenciement pourrait alors être jugé nul, ce qui ouvrirait droit pour le salarié à une importante indemnisation, voire à sa réintégration.
L’accident du travail protège le salarié même s’il survient pendant le préavis
On aurait pu penser que la protection des salariés visait uniquement à dissuader l’employeur de procéder au licenciement d’un collaborateur en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail.
Ce n’est pas la position retenue par la cour d’appel de Bordeaux dans l’arrêt précité du 3 juillet 2024.
Dans cette affaire, le contrat de travail avait déjà été rompu par une démission. Le salarié s’est déclaré victime d’un accident de travail pendant le préavis.
L’employeur n’a alors pas attaché d’importance particulière à cette déclaration et a considéré que le préavis prenait fin à la date initialement prévue.
Mal lui en a pris !
À la suite d’un recours engagé par le collaborateur, la cour d’appel a jugé que l’accident du travail intervenu même postérieurement à la notification de la rupture du contrat protégeait le salarié.
Dès lors, la cessation du contrat de travail, qui restait suspendu suite à l’accident du travail, était frappée de nullité.
Cette décision a le mérite de rappeler une règle méconnue, déjà affirmée par le passé par la Cour de cassation (Cass. soc., 18 juillet 1996, n°93-43.581 et Cass. soc., 15 février 2006, n°04-42.822) : l’accident du travail survenu après la notification de la rupture suspend le préavis de sorte que le contrat de travail ne peut prendre fin qu’à l’issue de l’arrêt de travail consécutif à cet accident.
Les conséquences du non-respect de ce principe furent particulièrement lourdes pour l’employeur : la rupture du contrat intervenue dans ces conditions a, pour les juges d’appel, produit les effets d’un licenciement nul.
Cette décision nous apparaît très critiquable et il serait heureux que la Cour de cassation puisse se prononcer sur la question dans un sens moins démesurément défavorable aux employeurs.
D’ici là, on ne peut que conseiller à ces derniers une attention toute particulière aux déclarations d’accident du travail ou de maladie professionnelle de salariés en cours de préavis.
AUTEURS
Damien DECOLASSE, avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
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