Le choc psychologique suite à la mise en cause d’un tiers constitue-t-il un accident du travail ?
21 avril 2022
Le choc psychologique ressenti par un salarié consécutivement à la restitution d’un rapport mettant en cause un autre salarié et ayant conduit à la mise à pied de ce dernier constitue-t-il un accident du travail ?
Telle était la problématique qui s’est posée dans une affaire tranchée par le Tribunal Judiciaire de Lille le 5 avril 2022 dans laquelle le Cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats représentait l’employeur.
Aux termes d’un jugement particulièrement motivé qu’il a rendu le 5 avril 2022 (n° 21/01147), le Tribunal Judiciaire de Lille a estimé que ce choc psychologique ne constituait pas un accident du travail.
Les faits
Une salariée, estimant être victime de harcèlement moral, a saisi la cellule Ligne Directe Harcèlement mise en place au sein de l’entreprise.
Estimant que les faits mis en avant par cette salariée étaient suffisamment sérieux et établis, Ligne Directe Harcèlement a mandaté une société.
Elle lui a confié la mission d’investiguer au sein du service web auquel appartient la salariée, d’auditionner les salariés et, au final, de rédiger et de présenter auxdits salariés un rapport exposant les faits évoqués par la salariée et les éléments recueillis lors de l’audition des autres salariés, et suggérant des préconisations.
L’un des salariés auditionnés (celui qui a établi une déclaration d’accident du travail objet de ce litige) a été convié à une réunion en visio-conférence qui s’est tenue le 15 septembre 2020. Celle-ci avait pour objet la restitution, par le représentant de la société mandatée par Ligne Directe Harcèlement, de l’enquête effectuée au sein de son service.
A cette occasion, l’un de ses collègues a été mis en cause et s’est vu remettre une mise à pied conservatoire en vue d’un éventuel licenciement pour faute grave.
Dès le lendemain, ce salarié a été placé en arrêt de travail.
Le 24 septembre 2020, l’employeur a adressé à la CPAM une déclaration d’accident du travail (lequel est survenu le 15 septembre 2020 à 17H30) mentionnant que « Le salarié déclare avoir ressenti un choc psychologique suite à la restitution de la ligne directe harcèlement et la mise à pied d’un collègue », accompagnée d’un courrier de réserves.
Le certificat médical initial du 16 septembre 2020 mentionnait des « troubles anxieux réactionnels qui seraient secondaires à ses soucis professionnels survenus la veille, trouble du sommeil ».
Le 29 janvier 2021, après enquête, la CPAM a notifié au salarié une décision de refus de prise en charge de l’accident du 15 septembre 2020 au titre de la législation professionnelle au motif qu’ « il n’existe pas de preuve que l’accident invoqué se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur. Or, il incombe à la victime d’établir les circonstances de l ‘accident autrement que par ses seules affirmations ».
Le salarié a saisi la Commission de recours amiable puis le Tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir au contraire reconnaître l’existence d’un accident du travail.
La solution du Tribunal judiciaire de Lille
Après être revenu sur les différentes pièces produites aux débats de part et d’autre, le Tribunal judiciaire a jugé que
« si un évènement à une date certaine s’est bien déroulé le 15 septembre au temps et au lieu du travail, si une lésion psychique a été médicalement constatée le 16 septembre, il n’existe pas au cas d’espèce de fait lié directement au travail personnel de Monsieur X dans le contexte de la restitution d’une enquête, nonobstant le ressenti désagréable qui a pu être le sien pour travailler au sein du service web de Lille ».
A lire également
Accident du travail, maladie professionnelle : l’employeur peut faire des éco... 10 octobre 2013 | CMS FL
Le risque pénal dans les opérations de fusion-acquisition (3) – Responsa... 20 octobre 2021 | Pascaline Neymond
La contestation des décisions du médecin du travail... 21 février 2019 | Pascaline Neymond
La signification de la déclaration d’appel à une adresse erronée du salariÃ... 19 avril 2022 | Pascaline Neymond
Alcool et entreprise ne font pas toujours bon ménage... 26 novembre 2013 | CMS FL
Négociation dans les entreprises d’au moins 50 salariés sans délégué synd... 28 mars 2018 | CMS FL
L’accident du travail et la déclaration de maladie professionnelle à la suit... 23 juin 2023 | Pascaline Neymond
Heures de délégation au-delà du temps de travail et majoration pour heures su... 2 novembre 2021 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Maladie et congés payés : focus sur les modalités d’application du délai de report
- Zoom sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice : qui doit négocier, quand, comment et sur quoi ?
- Quels outils de management package pour les jeunes pousses ?
- Nouvelle formalité obligatoire pour les employeurs concernant l’exposition aux risques des salariés
- La décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024 : le retour d’un nationalisme juridique ?
- La rupture du contrat de travail pour inaptitude après refus d’une proposition de reclassement
- L’accord conclu dans le périmètre d’une UES est un accord d’entreprise
- Activités sociales et culturelles : la condition d’ancienneté est illicite
- Anticiper le statut collectif applicable à la NewCo
- Quelle place pour l’IA dans les relations du travail ?