Covid-19 : comment préparer la reprise le 11 mai prochain ?
17 avril 2020
Le président de la République l’a annoncé le lundi de Pâques, la sortie du confinement devrait se faire progressivement à partir du 11 mai 2020. A compter de cette date, la reprise de certaines activités jusqu’à présent à l’arrêt pourrait être envisagée et le retour sur le lieu de travail de milliers de salariés placés en télétravail depuis le 15 mars 2020 pourrait s’amorcer. Cette sortie de crise, qui va s’inscrire dans un long processus, doit d’ores et déjà être anticipée par les entreprises qui doivent dès maintenant repenser leurs organisations afin de respecter l’ensemble des préconisations du Gouvernement en matière de prévention des risques de contamination par le Covid-19 et de protéger ainsi leurs salariés.
Dans un tel contexte, il est indispensable non seulement que soient prises toutes les mesures propres à protéger la santé et la sécurité des salariés, mais aussi, dans le souci d’assurer au mieux la protection de l’entreprise contre tout risque d’engagement de sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité, que ces procédures et ces mesures soient correctement évaluées et formalisées.
La décision récente qui a condamné la société Amazon à procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures de prévention en découlant et, dans cette attente, lui a ordonné de restreindre son activité aux seuls produits alimentaires, d’hygiène et médicaux, sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard, donne une illustration de cette nécessité (Ord. TJ Nanterre, 14 avril 2020, n° 20/00503).
A cet égard, deux outils essentiels doivent être principalement mobilisés : le document unique d’évaluation des risques (DUER) et le règlement intérieur.
Le DUER
Comme elle l’avait déjà fait à propos de l’épidémie de grippe H1N1 (circulaire DGT n° 9/16 du 3 juillet 2009 complétant la circulaire n° 2007/18 du 18 décembre 2007), la Direction générale du travail (DGT) préconise, depuis le début de la crise sanitaire en cours, la mise à jour par l’employeur du document unique d’évaluation des risques (QR entreprises et salariés 28 février 2020). La DGT précise en effet que « l’évaluation des risques dans l’entreprise doit être renouvelée en raison de l’épidémie, pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail » et que « cette nouvelle évaluation doit être retranscrite dans le document unique d’évaluation des risques lequel doit être actualisé pour tenir compte des changements de circonstances ». Elle précise enfin que l’actualisation du DUER « est conduite selon une procédure faisant intervenir les instances représentatives du personnel (CSE) ainsi que le service de santé au travail ».
Si le DUER a plus pour finalité d’identifier, de répertorier et d’évaluer les risques professionnels liés à l’activité de l’entreprise que de consigner les risques sanitaires, il ne fait guère de doute que la crise sanitaire majeure que traverse le pays, par les énormes bouleversements qu’elle entraîne dans l’organisation de l’entreprise, justifie la mise à jour du DUER.
Cette mise à jour impose dans un premier temps de procéder à une nouvelle évaluation des risques. A cet égard, si le Code du travail n’impose pas l’association des instances représentatives du personnel à cette évaluation, celle-ci est clairement requise par une circulaire de 2002 (circulaire DRT n° 2002/6 du 18 avril 2002). C’est d’ailleurs l’un des principaux griefs retenus par le juge à l’encontre de la société Amazon à laquelle l’ordonnance de référé du 14 avril 2020 ordonne de procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 dans l’ensemble de ses entrepôts. En tout état de cause, la consultation du comité social et économique (CSE) devra intervenir préalablement à toute modification importante de l’organisation du travail.
La méthodologie retenue pour procéder à l’actualisation du DUER doit tout d’abord conduire à identifier les situations de travail dans lesquelles les conditions de transmission du Covid-19 sont réunies et à évaluer pour chacune l’importance du risque (contact étroit ou non, contact bref ou prolongé).
Une fois ces situations identifiées, l’employeur devra prendre les mesures de protection qui s’imposent pour prévenir ce risque de transmission, en fonction de l’importance de celui-ci. Ces mesures doivent porter à la fois sur la gestion de l’espace et la gestion du temps afin de réduire au maximum les interactions sociales directes et indirectes :
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- gestion de l’espace individuel (une ou deux personnes par bureau), des open-spaces (poursuite du recours au télétravail, aménagement des bureaux, mises en place de barrières de protection), des espaces communs tels que les halls d’entrée, les lieux de pause, le restaurant d’entreprise, les vestiaires, les ascenseurs, les escaliers ; des espaces collectifs en limitant le nombre de personnes susceptibles de se réunir, en mettant en place des marqueurs afin de respecter les règles de distanciation sociale, en mettant à disposition des masques et des solutions hydroalcooliques, en procédant au nettoyage et à la désinfection régulière des locaux et postes de travail, etc.
Notons, par exemple, s’agissant du risque de contamination à l’entrée de l’entreprise, que le tribunal judiciaire de Nanterre, dans son ordonnance de référé du 14 avril 2020, a estimé que le risque généré par l’obligation pour les salariés d’emprunter un portique tournant pour pénétrer dans les entrepôts, avait été insuffisamment évalué par la société Amazon alors même que l’entreprise avait imposé le respect de distance entre chacun et l’utilisation possible de gel hydroalcoolique fourni individuellement à l’entrée à chaque salarié ;
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- gestion du temps : adaptation des horaires de travail ; mise en place d’équipes alternantes ou successives ; recours aux interventions ponctuelles dans les locaux dans les cas strictement nécessaires (par exemple, une intervention du service informatique sur le poste).
En outre, l’employeur devra mettre en œuvre des mesures d’information et de formation du personnel adaptées au regard des risques de contamination liés à la nature de l’activité de l’entreprise : rappel des gestes barrière et de distanciation, formation sur l’emploi des équipements de protection, etc. (fiche métiers disponibles sur le site du ministère du travail).
Enfin, des mesures spécifiques et renforcées de nettoyage et de désinfection des locaux et postes de travail, ainsi que des équipements de travail (notamment s’ils sont utilisés par plusieurs salariés) devront être mises en œuvre, selon des procédures adaptées.
Cette mise à jour du DUER pourrait être résumée dans un tableau en deux colonnes faisant apparaître, distinctement pour chaque unité de travail, d’un côté, les circonstances ou situations de travail dans lesquelles les salariés peuvent être exposés au virus et, de l’autre, les mesures retenues par l’entreprise pour éviter ou limiter au plus bas le risque, en termes d’équipements, d’organisation du travail, d’information et de sensibilisation des salariés, etc.
Elle permettra de formaliser les mesures mises en œuvre et le respect par l’entreprise de l’ensemble des préconisations du Gouvernement diffusées depuis le début de la crise. En cas de mise en cause de sa responsabilité, il constituera un élément indispensable à la défense de l’employeur.
Le règlement intérieur
Le contenu du règlement intérieur est limitativement énuméré par la loi. Il doit ainsi contenir les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions permettant à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes et ses omissions au travail.
A ce titre, compte tenu de l’impact de l’épidémie sur les règles applicables en matière d’hygiène et de santé, les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus rentrent bien dans les prévisions du règlement intérieur. C’est d’ailleurs la position qui avait été retenue par l’Administration lors de l’épidémie de grippe H1N1 (circulaire DGT n° 2009/16 du 3 juillet 2009, complétant la circulaire DGT n° 2007/18 du 18 décembre 2007 relative à la continuité des activités des entreprises et aux conditions de travail et d’emploi des salariés du secteur privé en cas de pandémie grippale). Le questions/réponses entreprises et salariés du ministère du Travail le rappelle également à propos de la faculté pour les employeurs d’imposer un contrôle de température à l’entrée de l’entreprise.
L’employeur pourrait ainsi fixer dans une note de service, en s’appuyant sur les mesures de prévention retenues par le document unique d’évaluation des risques, les obligations en matière d’hygiène et de sécurité qui doivent être respectées par les salariés en tout lieu de l’entreprise, qu’il s’agisse des gestes barrière et plus généralement des règles de distanciation sociale, des mesures d’hygiène, telles que le lavage des mains, de la limitation, voire de l’interdiction des réunions en présentiel ou de la limitation du nombre de leurs participants ou enfin, de l’instauration de la prise de température systématique des salariés à l’entrée de l’entreprise.
Bien qu’instituant des obligations temporaires dans le but de faire face à la pandémie de Covid-19 en cours, il semble que cette note de service doive relever de la procédure applicable au règlement intérieur impliquant, d’une part, la consultation préalable du CSE et, d’autre part, la transmission du document à l’inspecteur du travail et l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.
Toutefois, par dérogation aux dispositions imposant une entrée en vigueur des mesures prescrites, un mois minimum après l’accomplissement de ces formalités, les obligations ainsi arrêtées pourraient, compte tenu de l’urgence, recevoir une application immédiate à la condition que ses prescriptions soient immédiatement et simultanément communiquées au secrétaire du CSE ainsi qu’à l’inspection du travail. La consultation du CSE devra alors intervenir le plus rapidement possible.
L’intérêt d’intégrer les obligations imposées au salarié dans une note de service suivant le régime juridique du règlement intérieur est triple :
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- il permet d’y associer les membres de la délégation au CSE puisqu’ils sont consultés sur le contenu de la note de service ;
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- il permet de prévoir expressément que tout manquement aux prescriptions instituées par la note de service est passible d’une sanction disciplinaire ;
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- il permet de formaliser les mesures prises par l’employeur et les obligations qui en découlent pour le salarié, et ainsi de renforcer la protection de l’entreprise contre le risque de mise en cause de sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité. En effet, c’est en partie ce défaut de formalisation qui a conduit le juge à retenir, dans l’affaire Amazon, que l’entreprise n’était pas en mesure de justifier des mesures et protocoles mis en place.
Les mesures arrêtées doivent être portées à la connaissance des salariés et diffusées largement dans l’entreprise pour leur être opposables.
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