Demande de sursis à statuer devant une juridiction de sécurité sociale dans l’attente d’une décision en droit du travail : quelles suites à donner ?

15 avril 2022
Quelles sont les suites à donner à une demande de sursis à statuer présentée devant une juridiction de sécurité sociale dans l’attente d’un arrêt de la Cour de cassation à venir en matière de droit du travail ?
Telle était la problématique qui s’est posée dans une affaire tranchée par la cour d’appel de Paris le 15 avril 2022 (n°17/08003), dans laquelle le Cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats représentait l’employeur.
Les faits de l’espèce :
Dans cette affaire, un salarié de l’entreprise s’est suicidé sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail.
Après le décès, sa veuve et ses filles ont introduit deux contentieux :
-
- l’un devant le conseil de prud’hommes, aux fins de demander des rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs, …
-
- l’autre, devant la juridiction de sécurité sociale, aux fins de voir requalifier l’accident de trajet en un accident du travail (au motif notamment de la forte charge de travail du salarié) et de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.
Le Conseil de prud’hommes d’Argenteuil a accueilli favorablement une partie significative des demandes formulées par la veuve et ses filles.
La cour d’appel de Versailles a infirmé en toutes ses dispositions le jugement et a débouté la veuve et ses filles de l’intégralité de leurs demandes au motif qu’aucun élément ne permettait d’établir l’existence d’heures supplémentaires.
Un pourvoi en cassation a été introduit. Il est actuellement en cours d’instruction.
Le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) d’Evry, devenu le tribunal judiciaire (TJ), a confirmé que le salarié avait été victime d’un accident de trajet et non d’un accident du travail, de telle sorte qu’aucune faute inexcusable de l’employeur ne pouvait être recherchée.
La veuve et les filles ont relevé appel de cette décision et ont sollicité de la cour d’appel de Paris qu’elle ordonne un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation à intervenir afin de pouvoir exciper de cette décision lors de l’examen au fond du volet de sécurité sociale.
Les avocats de notre Cabinet se sont opposés à ce sursis à statuer, estimant notamment :
-
- qu’il s’agissait d’un accident de trajet, reconnu comme tel par la CPAM ;
-
- que l’inspection du travail n’a pas retenu de lien de causalité certain et direct entre l’accident de trajet et les conditions de travail de l’intéressé ;
-
- que l’arrêt de la Cour de cassation à intervenir – qui ne se prononcera que sur les demandes en lien avec la durée du travail du salarié décédé – ne reviendra pas sur les éléments de fait du dossier et n’y apportera rien de plus ;
-
- que la décision de la Cour de cassation à intervenir ne mettra pas forcément fin au litige, une cour d’appel de renvoi pouvant être désignée, dont l’arrêt serait susceptible d’un nouveau pourvoi, de telle sorte que la démarche pourrait être sans fin.
La solution dégagée par la cour d’appel de Paris
Aux termes de son arrêt du 15 avril 2022, la cour d’appel a débouté la veuve et ses filles de leur demande de sursis à statuer. Elle a pour ce faire retenu la motivation suivante, courte mais pertinente :
« A l’examen des conclusions et pièces versées par les parties, il n’y a pas lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer dès lors qu’il n’apparait pas que la solution du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 15 avril 2021 soit de nature à avoir une incidence directe sur la solution du présent litige en recherche de la faute inexcusable de l’employeur« .
L’affaire sera plaidée au fond le 16 juin prochain.
A suivre donc…
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