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En cas de redressement judiciaire suivi d’une liquidation judiciaire, le contrôle du PSE par l’administration est cantonné à la phase liquidative de la procédure collective

En cas de redressement judiciaire suivi d’une liquidation judiciaire, le contrôle du PSE par l’administration est cantonné à la phase liquidative de la procédure collective

Dans un arrêt du 27 décembre 2022 (1), le Conseil d’Etat s’est, de manière inédite, prononcé sur la régularité du contrôle par l’administration de la procédure d’information-consultation du Comité Social et Economique (CSE) d’une entreprise placée initialement en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire qui serait contrainte de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans le cadre de la liquidation judiciaire.

 

Par cette décision, la Haute Juridiction considère que les deux phases de la procédure collective de la société doivent être distinguées de sorte que l’administration doit uniquement contrôler la procédure de consultation du CSE lors de la phase de liquidation judiciaire lorsqu’elle homologue le document unilatéral qui lui a été transmis dans le cadre de cette dernière.

 

Rappel des faits et de la procédure

 

En l’espèce, la société Nouvelle Scala a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 1er avril 2020.

 

Dans ce cadre, la société avait consulté son CSE sur un projet de restructuration avec la mise en place d’un PSE portant sur le licenciement de la majeure partie des salariés présents au sein de la société. Dans le cadre de cette consultation, le CSE avait désigné un expert.

 

Par la suite, le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement judiciaire de la société en liquidation judiciaire par un jugement du 27 mai 2020. Il était finalement prévu que la société ne poursuivrait pas son activité.

 

En conséquence, la société a de nouveau consulté son CSE lors de deux réunions du 4 juin 2022, notamment sur un nouveau projet à savoir la fermeture de la société impliquant le licenciement de la totalité des salariés, soit 87 personnes. La consultation portait ainsi sur l’opération projetée et ses modalités, d’une part, et sur le projet de licenciement de l’ensemble des salariés et le PSE unilatéral, d’autre part.

 

Dès le lendemain, soit le 5 juin 2020, le liquidateur judiciaire a demandé à la DIRECCTE (devenue la DREETS) d’homologuer le PSE unilatéral. Le jour même, l’administration a rendu une décision positive.

 

Une partie des salariés concernés par un licenciement ainsi que le CSE ont intenté une action judiciaire en vue de contester la décision d’homologation du PSE dans la mesure où les informations transmises au stade du redressement judiciaire étaient insuffisantes ou erronées concernant la situation économique et financière de la société.

 

Dans ce dossier, la Cour administrative d’appel avait confirmé la décision du Tribunal administratif qui avait décidé de rejeter la demande d’annulation de la décision d’homologation du PSE par la DIRECCTE.

 

Les salariés et le CSE ont donc formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

 

Ce dernier devait donc se prononcer sur l’étendue du contrôle de l’administration dans la cadre de l’homologation du PSE quant à la procédure d’information consultation du CSE suivie par l’employeur.

 

La nécessité pour l’employeur de consulter le CSE en cas de mise en place d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire donnant lieu à un licenciement économique collectif avec la mise en place d’un PSE

 

Sur l’objet de la consultation

 

Conformément aux dispositions du Code du travail (2), en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, l’employeur, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire, selon le cas, doit réunir et consulter le CSE.

 

Les modalités de cette consultation dépendent, de manière classique, du nombre de licenciements envisagés et du nombre de salariés dans l’entreprise. A cet effet, les dispositions du Code du travail renvoient, pour un licenciement d’au moins 10 salariés dans une entreprise d’au moins 50 salariés, comme c’était le cas en l’espèce, aux dispositions des articles L.1233-30 (3) et L.2323-31 (4) du Code du travail.

 

Il est donc prévu que le CSE doit être consulté sur «l’opération projetée et ses modalités d’application conformément à l’article L.2323-31» ainsi que sur «le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d’accompagnement prévues par le plan de de sauvegarde de l’emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail» (sauf bien évidemment si ces éléments font l’objet d’un accord majoritaire).

 

Cela implique que l’employeur adresse au CSE, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif et indique notamment «la ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement (5)».

 

Sur le nombre de réunions du CSE

 

L’une des particularités d’une telle consultation dans le cadre d’une procédure collective réside dans le fait que les délais sont relativement plus courts, compte tenu de l’urgence de la procédure.

 

A cet effet, les dispositions de l’article L.1233-58 du Code du travail prévoient expressément, pour un licenciement d’au moins 10 salariés dans une entreprise d’au moins 50 salariés, que le minimum de deux réunions espacées d’au moins 15 jours n’a pas vocation à s’appliquer en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

 

Ainsi, une seule réunion d’information-consultation est imposée par les textes. Liberté est laissée au liquidateur judiciaire ou à l’administrateur judiciaire d’en faire plus mais celui-ci s’exposerait à ce que les autres délais impératifs applicables dans le cadre d’une procédure collective ne puissent pas être respectés.

 

En l’occurrence, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, le CSE doit rendre son avis dans les 12 jours suivant la décision prononçant la liquidation ou si le maintien provisoire de l’activité a été autorisé par le tribunal dans les 12 jours suivant le terme de cette autorisation (6).

 

On relèvera toutefois que la règle d’une seule réunion est écartée en cas de recours à un expert par le CSE.

 

En effet, dans cette situation et afin de permettre au CSE d’être utilement éclairé quant à la procédure envisagée, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’il était nécessaire qu’une deuxième réunion soit tenue afin de ne pas priver le CSE du recourt à un expert (7). Le délai entre les deux réunions devant être suffisant pour permettre à l’expert d’exercer sa mission.

 

Le contrôle par l’administration de la procédure d’information-consultation du CSE en cas de redressement judiciaire ultérieurement converti en liquidation judiciaire lors de l’homologation du document unilatéral portant PSE

 

Au cas particulier, le CSE avait fait l’objet de deux consultations différentes sur deux différents projets de plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Une première dans le cadre de la phase de redressement judiciaire de la société, au cours de laquelle un expert a été désigné.

 

Puis une seconde, à la suite de la conversion du redressement de la société en liquidation judiciaire, dans le cadre de laquelle le projet avait évolué vers une fermeture de la société et le licenciement de l’ensemble des salariés.

 

C’est à la suite de cette seconde consultation du CSE que le liquidateur a adressé à l’administration le PSE unilatéral qui a été homologué le jour même.

 

Considérant que la procédure de consultation du CSE n’était pas régulière, les requérants ont intenté une action en annulation de la décision d’homologation du PSE présenté dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire notamment pour le motif suivant :

 

    • irrégularités concernant la consultation en vertu des dispositions de l’article L.2312-53 du Code du travail ;
    • une communication insuffisante ou erronées des informations au CSE concernant la santé financière et économique de la société, au cours de la phase de redressement judiciaire.

 

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a retoqué l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait jugé que dès lors que la liquidation judiciaire de la société constituait le motif économique du projet de licenciement collectif, les requérants ne pouvaient utilement soutenir que la procédure d’information et de consultation du CSE avait été irrégulière.

 

En effet, une telle motivation ne peut être admise dans la mesure où le contrôle de l’administration doit être réalisé sur le caractère suffisant des informations transmises et non sur le motif économique du licenciement collectif (ce qui, au demeurant, est très classique en matière de PSE puisque le juge administratif ne doit pas contrôler le motif économique du licenciement économique collectif).

 

En revanche de manière inédite, la Haute juridiction administrative s’est attachée, dans un second temps, à préciser que les informations transmises au stade du redressement judiciaire étaient sans importance en cas de conversion ultérieure de la procédure en liquidation judiciaire.

 

Un contrôle par l’administration limité aux seules obligations d’informations issues du projet envisagé dans le cadre de la liquidation judiciaire et aux licenciements économiques en découlant

 

Conformément aux dispositions de l’article L.1233-57-3 du Code du travail, l’administration se doit, pour homologuer un PSE unilatéral, de vérifier la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE.

 

De manière classique, cela implique que l’administration s’assure que le CSE a été mis en mesure de rendre un avis, d’une part, sur l’opération projetée ainsi que ses modalités, et d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le PSE ce qui suppose qu’il ait reçu des informations suffisantes pour l’éclairer quant aux décisions à venir.

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève qu’une note d’information comportant l’ensemble des informations exigées par les dispositions de l’article L.1233-31 du Code du travail a bien été transmise au CSE en respectant le délai de transmission de l’ordre du jour.

 

En revanche, selon le Conseil d’Etat les éléments suivants sont indifférents et ne permettent donc pas d’entacher la décision d’homologation d’illégalité :

 

    • une seule réunion de CSE s’est tenue le 4 juin 2020 (8),
    • la base de données économiques et sociales n’a pas été complétée,
    • les membres du CSE ont reçu des informations complémentaires le jour de la réunion du CSE c’est-à-dire le 4 juin 2020,
    • l’administration a homologué le document unilatéral le jour où elle a reçu ce document.

 

 

Les autres points sur lesquels le CSE est informé et consulté dans le contexte d’une liquidation judiciaire ne doivent pas être vérifiés par l’administration dans le cadre de l’homologation du PSE

 

L’article L.2312-53 du Code du travail et plusieurs articles du Code de commerce prévoient les hypothèses dans lesquelles le CSE est informé et consulté dans le cadre des différentes procédures collectives.

 

Il serait donc tentant de considérer que le défaut ou l’irrégularité d’une information-consultation du CSE sur ces fondements constitue une irrégularité que doit relever l’administration lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un PSE.

 

Tel n’a pas été le cas dans la décision commentée conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat (9).

 

On notera que le Conseil d’Etat a également considéré que les textes n’imposent pas à l’administration de vérifier si le CSE a été consulté sur ses attributions générales (10).

 

L’administration doit seulement, pour décider si elle homologue ou non le PSE, se contenter de vérifier si la procédure d’information-consultation sur le projet de réorganisation et les licenciements économiques qui en découlent, prévue par les articles L.1233-58, L.1233-30 et L.2323-31 du Code du travail, a bien été respectée.

 

En conséquence les demandes des requérants à ce titre ne pouvaient qu’être rejetées.

 

Enfin, à titre subsidiaire, on notera que cet arrêt se prononce également sur le caractère suffisant du PSE établi dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

 

Les enseignements sont les suivants :

 

    • Le fait que la décision d’homologation ne mentionne pas expressément le contrôle effectué par l’administration sur les moyens dont disposait le groupe est indifférent. En l’espèce, le liquidateur avait demandé à l’ensemble des sociétés du groupe de financer le PSE et l’administration avait reçu une copie des courriers adressés à cette fin.
    • Sur le plan du reclassement interne, il suffit que le liquidateur judiciaire ait demandé aux sociétés du groupe situées sur le territoire français si des postes de reclassement étaient ouverts, peu importe que ces dernières n’aient pas répondu et qu’aucun poste de reclassement ne puisse être proposé aux salariés devant potentiellement être licenciés (11). Le fait que le document unilatéral mentionne que la liste des postes sera le cas échéant diffusée à l’ensemble des salariés est suffisant.

 

En synthèse l’apport inédit de cette décision réside dans le fait qu’elle vient considérer qu’une phase de redressement judiciaire ne prévoyant pas l’arrêt d’activité d’une société et donc le licenciement de l’ensemble de ses salariés doit être distinguée de la phase suivante qui s’ouvre à compter de la conversion de la procédure en liquidation judiciaire qui, quant à elle, prévoyait la fermeture de la société et le licenciement de l’ensemble des salariés, conséquences de l’arrêt immédiat de l’activité.

 

Selon le Conseil d’Etat, lorsqu’une procédure de liquidation succède à une procédure de redressement judiciaire, seule la dernière consultation effectuée à compter de la conversion en liquidation judiciaire, donnant lieu à la demande d’homologation du PSE, doit être vérifiée par l’administration pour rendre une décision quant à l’homologation du document unilatéral portant PSE.

 

Force est de constater que le Conseil d’Etat rend ici une décision pragmatique dans laquelle le contexte d’urgence spécifique à la mise en œuvre des procédures collectives est pris en compte.

 

 

Laura Sultan, Avocat, Sébastien Mostosi, Avocat, Guillaume Bouté, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

 

(1) Conseil d’Etat, 27 décembre 2022, n°452898

(2) Article L.1233-58

(3) Plus précisément à une partie des dispositions de cet article puisque certains alinéas ne sont pas applicables.

(4) Devenu l’article L.2312-39

(5) Article L.1233-31 du Code du travail

(6) Article L.641-4 du Code de commerce

(7) CE, 16 avril 2021, n°426287

(8) Il ressort de la lecture de l’arrêt de la Cour d’appel administrative que deux réunions se sont tenues le 4 juin 2020. La première, à 10 heures, avait pour ordre du jour la présentation du rapport de l’expert, précédemment mandaté par le CSE dans le cadre du projet de licenciement économique collectif, et sur le jugement de liquidation judiciaire. La seconde, à 11 heures, portait sur les modalités d’information et de consultation du CSE sur le projet de licenciement collectif de l’ensemble du personnel à la suite de la liquidation judiciaire et sur le projet de PSE intégrant le plan de reclassement et les mesures de reclassement envisagées.

(9) CE, 13 février 2019, n°404556 et CE, 21 octobre 2015, n°382633. Dans ces décisions, le Conseil d’Etat considère que les dispositions du Code du commerce ne peuvent être invoquées afin d’annuler une décision d’homologation rendue par l’administration.

(10) Article L.2312-8 du Code du travail. Il s’agit là d’une confirmation de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 21 octobre 2015, n°38633).

(11) On notera qu’ici le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence de juin 2022 (Conseil d’Etat, 1ère Chambres réunies, 1er juin 2022, n°434225) sur le fait que dans le cadre de l’homologation du PSE d’une société en liquidation judiciaire, il n’est pas nécessaire d’avoir la réponse préalable des autres sociétés du groupe sur l’existence de postes de reclassement disponibles.

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