Engagements et garanties de l’acquéreur dans les opérations de fusion-acquisition

29 mars 2021
La pratique, favorisée notamment par les processus concurrentiels de vente, conduit à mettre à la charge de l’acquéreur un nombre croissant d’engagements et garanties dont la nature et l’étendue varient fortement en fonction des spécificités et du contexte de l’opération. Sans entrer dans un vain exercice de catalogue, cet article présente quelques exemples récurrents dont notamment les engagements en matière de sécurisation de l’opération ou de maintien de l’emploi et/ou de l’activité.
Engagements relatifs à la sécurisation de l’opération
La pratique tend clairement à une sécurisation toujours plus forte des opérations de fusion-acquisition dès le signing. A ce titre, les conditions suspensives qui ne peuvent être écartées font souvent l’objet d’une attention soutenue, en vue d’en contrôler le caractère aléatoire.
C’est le cas par exemple des autorisations règlementaires, dont au premier chef celles requises en matière de contrôle des concentrations, pour lesquelles certains vendeurs demandent à l’acquéreur de prendre des engagements de nature et amplitude variées, culminant dans la clause dite de hell or high water, aux termes de laquelle l’acquéreur s’engage à prendre tous les engagements requis pour l’obtention de l’autorisation (y compris désinvestissements, cessions, etc.).
Ces engagements sont bien entendu âprement négociés et nécessitent des analyses poussées de la situation concurrentielle afin d’éclairer les parties sur la portée de leurs obligations.
La mise en place du financement (aussi bien dette qu’equity) de l’opération par l’acquéreur et les éléments de conditionnalité l’affectant, peuvent aussi faire l’objet d’engagements et garanties spécifiques demandées à l’acquéreur en fonction des circonstances, de la compétition et de la sophistication du vendeur et de ses conseils.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où des garanties ont été consenties par les vendeurs dans le cadre de l’endettement du groupe cible, certains engagements peuvent être demandés à l’acquéreur s’agissant du remboursement/refinancement de cet endettement, de façon à sécuriser la mainlevée des engagements des vendeurs au closing.
Enfin, un certain nombre d’autorisations pouvant affecter une opération dépendant de la qualité ou des caractéristiques de l’acquéreur, certains vendeurs ont pris pour habitude de leur demander un confort s’agissant de la nature et de la liste des autorisations auxquelles l’opération est soumise.
Engagements et garanties relatives à l’audit
Certains vendeurs souhaitent par ailleurs un confort de la part de leur acquéreur sur les modalités et la portée de l’audit conduit par ce dernier, notamment afin de (i) sécuriser le respect de leur obligation d’information précontractuelle, (ii) faire pendre acte à l’acquéreur de l’aspect par nature aléatoire de l’information prospective fournie ou (iii) protéger dans une certaine mesure la sincérité du prix.
De même, la montée en puissance des enjeux de compliance conduit un certain nombre de vendeurs à demander à l’acquéreur des garanties sur (i) l’origine des fonds utilisés pour financer l’opération et/ou (ii) le respect par ce dernier de certaines règlementations type anti-corruption, lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme.
Engagements post closing de l’acquéreur
Certains vendeurs souhaitent prévoir des droits d’accès postérieurement au closing de l’opération, afin de pouvoir continuer à consulter l’information requise à la préservation de leurs droits (par exemple dans le cadre d’un contrôle fiscal/social ou d’un contentieux intervenant postérieurement au closing mais portant sur la période précédant ce dernier). Cela peut même aller parfois jusqu’à certains droits de consultation/ validation pour des problématiques couvrant à la fois la période pré et post closing.
Engagements de maintien de l’emploi et/ou de l’activité
Les engagements en termes d’emploi ou de maintien de l’activité sont également de plus en plus fréquents. En pratique, on observe que l’insertion de tels engagements contractuels est souvent demandée par les représentants du personnel au cours de la procédure d’information-consultation afin d’assurer la pérennité de l’emploi et contraindre l’acquéreur à ne pas mettre en œuvre de projets de restructuration immédiatement après la réalisation de l’opération.
Mais cette demande peut également venir du vendeur, soucieux de limiter sa responsabilité post-cession. En effet, depuis plusieurs années, la jurisprudence a vu se développer les contentieux mettant en cause la responsabilité du cédant lorsque que la viabilité économique du projet de cession n’a pas été suffisamment étudiée.
La majorité des contentieux survient lorsque des licenciements sont mis en œuvre par le cessionnaire. Les salariés de la société cédée peuvent alors être tentés d’obtenir des dommages-intérêts pour perte de leurs emplois ou pour perte de chance de bénéficier des dispositions du plan social mis en place au niveau du groupe auquel appartenait la société cédée (en ce sens Cass. Soc., 14 novembre 2007 n°05-21239 ; Cass. Soc., 18 juin 2014 n°12-18589).
Pour que la responsabilité du cédant soit retenue, il faut qu’il ait commis une faute ou négligence, ou qu’il ait manqué à l’obligation de loyauté dans l’exécution des contrats de travail ou encore qu’il ait contourné de façon frauduleuse les dispositions sur le transfert d’une entité économique autonome (Article L.1224-1 du Code du travail).
Ainsi, si la jurisprudence considère que le vendeur n’a pas une obligation de garantie de succès du nouvel employeur, il n’en demeure pas moins qu’il doit prendre toutes les précautions nécessaires pour vérifier les conditions de la poursuite de cette activité et la fiabilité du « business plan » de l’acquéreur.
Le vendeur a donc tout intérêt à procéder à des vérifications approfondies mais également à convenir d’un certain nombre de garanties de la part du repreneur afin de limiter les risques de mise en cause de sa responsabilité post-cession, ce qui pourrait être lourd de conséquences sur le plan financier. En effet, si la responsabilité du vendeur venait in fine à être retenue sur ce fondement, il pourrait être tenu de supporter les conséquences financières résultant de l’annulation des licenciements prononcés par le cessionnaire (Cass. Soc., 19 mai 2016 n°15-13603).
Article paru dans La lettre des Fusions-Acquisitions de mars 2021
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