Géolocalisation et contrôle du temps de travail : rien n’est permis ou presque !

3 mai 2018
Par une décision du 15 décembre 2017, le Conseil d’Etat a estimé pour la première fois, à l’instar de la Cour de cassation, que le recours, par l’employeur, à un système de géolocalisation pour contrôler le temps de travail des salariés n’est licite qu’à défaut d’autre moyen (CE, 15 décembre 2017, n°403776).
Dans cette affaire, une société spécialisée dans la maintenance de systèmes informatiques avait équipé les véhicules de ses techniciens itinérants d’un dispositif de géolocalisation afin, notamment, de mieux planifier leurs interventions et de collecter des données sur leur temps de travail.
Après un contrôle sur place, la directrice de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis en demeure la société de cesser tout traitement de données ayant pour but de contrôler le temps de travail de ses salariés, ce que la société a contesté devant le juge administratif.
Faisant une stricte application des principes de proportionnalité et de justification, credo constant de la CNIL, le Conseil d’Etat rejette la requête de la société en s’appuyant directement sur l’article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et sur l’article L.1121-1 du Code du travail.
Pour justifier sa décision, le Conseil d’Etat confirme la position de la CNIL, en indiquant que le recours à un système de géolocalisation aux fins de contrôle du temps de travail des salariés ne saurait être licite, dès lors que la société dispose d’autres moyens internes pour ce faire.
Ce qui est, en pratique, quasiment toujours le cas.
Le Conseil d’Etat va plus loin dans son analyse et ajoute qu’il importe peu que les autres moyens existants dans l’entreprise soient moins efficaces que la géolocalisation.
Pragmatique, il rappelle enfin que le recours à la géolocalisation reste possible pour collecter d’autres données, tels que les incidents de conduite des salariés ou encore les éléments de nature à permettre la facturation des clients.
Cette décision, protectrice des droits et libertés des salariés, se présenterait presque comme un avant-goût de l’esprit, tout aussi protecteur, du règlement général sur la protection des données dont l’entrée en vigueur est prévue le 25 mai 2018.
Auteurs
Vincent Delage, avocat associé, droit social
Titrite Baamouche, avocat, droit social
A lire également
Quelle solution pour l’employeur si le médecin du travail refuse de se pronon... 20 mars 2019 | CMS FL

Le chemin de croix du licenciement des salaries protégés : analyse des règles... 16 avril 2021 | CMS FL Social

Les plates-formes e-commerce, une «zone de non-droit»?... 20 mars 2018 | CMS FL

Protection des lanceurs d’alerte : les apports de la Loi Sapin II... 8 mars 2017 | CMS FL

Qualité de co-employeur au sein d’un groupe de sociétés... 20 octobre 2015 | CMS FL

Sanction pénale pour traitement non déclaré à la CNIL : le nombre des donné... 18 février 2016 | CMS FL

Légalité de l’effacement des adresses IP un an après la dernière connexion... 7 juin 2016 | CMS FL

Le licenciement ce n’est pas automatique 11 mars 2014 | CMS FL
Articles récents
- Supplément de participation ou d’intéressement : la Cour de cassation sème le trouble
- Management package : la spécificité du régime social par rapport à l’analyse du juge fiscal ?
- Assurance chômage : l’agrément de la nouvelle convention devrait être reporté
- Droit social des plateformes digitales : ça bouge encore en France et dans l’Union européenne
- Réforme de la procédure civile en faveur du règlement amiable des litiges : quelles incidences en droit social ?
- Infographie – Elections du CSE : comment s’organisent-elles dans les entreprises de 11 à 20 salariés ?
- Utilisation de la langue française : attention aux documents en langue étrangère remis aux salariés !
- Adaptation au droit de l’Union européenne : obligations d’information du salarié à la charge de l’employeur
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)