Jugement, jouissance, cession : la transmission d’entreprise en slow motion du plan de cession !

9 janvier 2023
Il est des cessions qui n’en sont pas et d’autres qui n’en sont pas encore. C’est à certaines de ces dernières que ces lignes vont s’attacher.
Plus précisément, sur la situation qui résulte, dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, du jugement arrêtant un plan de cession et transférant au repreneur la jouissance des actifs inclus dans le plan.
Le plan de cession est la cession autorisée par le tribunal d’un ensemble d’éléments formant une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activités(1).
Il s’agit d’une modalité de sauvetage de l’activité de l’entreprise à laquelle il est recouru soit lorsque l’entreprise ne dispose pas des ressources nécessaires pour mener à bien sa période d’observation, soit que son passif est trop important pour être apuré dans le cadre d’un plan de continuation.
Ce contexte d’urgence explique que, souvent, l’entrée en jouissance intervient rapidement après le jugement ayant statué sur les offres de reprise. Toutefois, le transfert de propriété des actifs repris n’intervient que plusieurs mois après cet évènement par la signature des actes de cession.
Un encadrement légal
Le Code de commerce (2) prévoit que, dans le jugement qui arrête le plan de cession, le tribunal peut autoriser la conclusion d’un contrat de location-gérance, même en présence de toute clause contraire, notamment dans le bail de l’immeuble, au profit de la personne qui a présenté l’offre permettant dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi et le paiement des créanciers.
Bénéficiant d’un régime déterminé, la cession qui n’en n’est pas encore une peut alors se dérouler sereinement jusqu’aux actes de cession.
Toutefois, cette solution est rarement retenue. En effet, elle impose la conclusion d’un contrat et donc une autre strate de formalisation de l’opération que les acteurs préfèrent généralement éviter.
Une pratique
Beaucoup plus fréquemment, le repreneur est mis en jouissance très rapidement en exécution du jugement arrêtant le plan sans autre formalité.
Cela est possible, notamment par le fait que le jugement du tribunal qui arrête le plan emporte cession des contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité (3) sans égard pour l’existence ou non d’une location-gérance.
Dès lors, à compter de la date d’entrée en jouissance fixée par le tribunal, le repreneur assume les charges et bénéficie des produits de l’exploitation de l’activité cédée.
La régularisation de la cession ainsi que le transfert de propriété des actifs interviendront ultérieurement lors des actes de cession proprement dits qui incorporeront les décomptes des charges et produits à répartir entre procédure collective et repreneur en fonction de la date d’entrée en jouissance.
De même, le recours à cette pratique est sans effet tant sur le transfert des contrats de travail des salariés inclus dans le périmètre de reprise que sur le transfert de la charge de certaines sûretés.
En effet, les contrats de travail sont transmis au repreneur en application des règles spécifiques au droit du travail(4) et il faut considérer que, dès lors que le cessionnaire est mis en possession des actifs et de l’activité objet du plan, il devient l’employeur des salaires transférés quelle que soit la date de conclusion des actes de cession(5).
La charge des suretés grevant des actifs inclus dans le périmètre de reprise et garantissant le financement ou l’amélioration du bien grevé ne sont transmis au repreneur qu’à compter du transfert de propriété (5). Il s’agit là d’un enjeu majeur d’une signature rapide – ou lente – des actes de cession.
(1) Art. L.642-1 du Code de commerce
(2) Art. L.642-13 du Code de commerce
(3) Art. L.642-7 du Code de commerce
(4) Art. L.1224-1 du Code du travail
(5) V. Gaz. Pal. 2002, chron. 1359 : Le contrat de travail et le transfert de l’entreprise en difficulté, Pierre Bailly ; Cass. Soc. 10 juillet 2001
Laura SULTAN, Avocat et Guillaume BOUTE, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Article publié dans La lettre des FUSIONS-ACQUISITIONS ET DU PRIVATE EQUITY Supplément du numéro 1682-1683 du 12 décembre 2022
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