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L’accord constitutif d’une unité économique et sociale (UES) est un accord interentreprises

L’accord constitutif d’une unité économique et sociale (UES) est un accord interentreprises

Dans une affaire suivie par le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, la Cour d’appel de Versailles a rendu le 20 janvier 2022 un arrêt par lequel elle statue sur la nature de l’accord ayant pour objet la constitution d’une UES qui doit obéir aux règles de validité de l’accord interentreprises (C.A., Versailles, 20 janvier 2022, n° RG 21/02009).

 

Il s’agit du premier arrêt statuant sur cette question depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 aout 2016, dite « loi travail », qui a inséré dans le Code du travail les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 relatifs aux accords interentreprises.

 

Le débat sur la qualification de l’accord de configuration de l’UES est un débat ancien.

En effet, la loi est muette sur ce sujet et se borne à préciser, dans sa version antérieure à 2017, que « une unité économique et sociale regroupant au moins cinquante salariés est reconnue par convention ou par décision de justice » (C. trav., art L. 2322-4).

Dans ce contexte, la Cour de cassation a d’abord décidé que l’accord constitutif d’UES obéissait aux règles de de validité du protocole d’accord préélectoral requérant l’unanimité des intéressés (Cass. soc., 31 mars 2009) et non au droit commun de l’accord collectif, avant d’opérer un revirement de jurisprudence en décidant que « la reconnaissance ou la modification conventionnelle d’une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d’accord préélectoral mais de l’accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES » (Cass. soc., 14 novembre 2013, n°13-12.712 ; Cass. soc., 11 juillet 2016 n° n°14-50.036).

Néanmoins, cette décision laissait entière la question du niveau de négociation de cet accord.

 

Ainsi, l’accord conclu devait-il être qualifié d’accord d’entreprise – l’UES étant alors assimilée à une entreprise – ou constituait-il une somme d’accords d’entreprise conclus au niveau de chacune des entités ayant vocation à entrer dans le périmètre de l’UES ?

La première solution était critiquable dans la mesure où tant que l’UES n’a pas été reconnue par accord collectif ou par décision de justice, les entreprises qui la composent ne peuvent être assimilées à une entreprise pour la mise en place de la représentation du personnel.

 

La loi du 8 août 2016 a institué un nouveau niveau de négociation en créant le régime juridique applicable aux accords interentreprises.

 

Aux termes de l’article L. 2232-36 du ode du travail, un tel accord « peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d’une part, les employeurs et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises concernées ».

La représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de l’accord est alors appréciée « par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l’ouverture de la première réunion de négociation » (c. trav., art. L. 2232-37).

Enfin, s’agissant des taux de 30 % ou de 50% nécessaires à la validation de l’accord, ils sont, aux termes appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord.

 

Dans ce nouveau contexte, la solution dégagée par la jurisprudence en 2013 semblait remise en cause.

Dans l’affaire suivie par le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, une négociation avait été engagée en vue d’étendre le périmètre d’une UES à de nouvelles sociétés avec toutes les organisations syndicales représentatives dans le nouveau périmètre.

Une organisation syndicale représentative au sein de l’UES préexistante mais qui ne l’était plus au niveau du périmètre de négociation de la nouvelle UES et qui n’avait pas été conviée à la négociation, avait alors saisi le tribunal judiciaire de Nanterre pour demander à participer aux négociations.

Le tribunal, après avoir reconnu que la négociation en cause relevait bien du régime des accords interentreprises, a de façon surprenante fait droit à la demande de l’organisation syndicale.

 

Les entreprises de l’UES ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Versailles.

 

Elles faisaient notamment valoir que la jurisprudence, antérieure à la loi du 8 aout 2016 qui a créé les accords interentreprises, était caduque depuis l’entrée en vigueur des dispositions relatives à ces accords.

 

Selon son analyse, en raison de son objet même, la négociation portant sur le périmètre d’une UES est par nature une négociation entre des entreprises distinctes.

En effet, lorsque plusieurs entreprises distinctes négocient sur la configuration d’une UES, et que ces entreprises ne constituent pas un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du Code du travail avec une société dominante têtière, la seule catégorie d’accord qui peut être conclu est, selon la loi, l’accord interentreprises.

Or, en application des articles L. 2232-36 et L. 2232-37 du Code du travail, un tel accord est négocié avec les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises participant à la négociation sur la configuration de l’UES.

 

Cette analyse a été pleinement retenue par la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 20 janvier 2022.

 

Celle-ci confirme, dans les termes les plus clairs, que l’accord de configuration de l’UES relève bien du régime des accords interentreprises.

 

Elle juge en effet que :

 

« Négocié entre des entreprises juridiquement distinctes, l’accord de configuration de l’UES constitue un accord interentreprises dans les termes de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Il obéit donc au régime des articles L 2232-6 et L. 2232-7 du code du travail lesquels disposent qu’un accord peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d’une part, les employeurs et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises concernées tandis que la représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de cet accord est appréciée conformément aux règles définies aux articles L. 2122-1 à L. 2122-3 relatives à la représentativité syndicale au niveau de l’entreprise, par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l’ouverture de la première réunion de négociation.

Il s’en déduit que les organisations syndicales ayant vocation à participer à la négociation sont celles, qui par cumul des voix obtenues au niveau de chacune des entreprises concernées, soit à l’échelle de l’ensemble des entreprises concernées, ont franchi le seuil de 10%, ce sans qu’il y ait lieu de faire de distinction entre la représentativité des organisations présentes au niveau de l’UES Capgemini et celles des entreprises “entrantes”.

Or, selon les modalités de calcul susvisées, l’organisation syndicale demanderesse ne franchissant pas le seuil de 10%, le jugement de première instance doit être infirmé en ce qu’il a enjoint à l’entreprise agissant pour le compte des sociétés de l’UES, de convoquer ce syndicat à la négociation de l’accord de révision portant sur la configuration de l’UES. »

 

Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation qui devra donc se prononcer pour la première fois sur la nature juridique de l’accord constitutif d’une UES.

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