L’activité partielle de longue durée : une formule de sortie de crise pour les entreprises ?
4 janvier 2021
Face à la crise économique profonde qu’a provoquée la crise sanitaire, le gouvernement a fait preuve d’un esprit d’innovation : après avoir procédé à une réforme profonde de l’activité partielle, qui a permis son utilisation massive, il a mis au point un nouvel outil, l’activité partielle de longue durée (APLD), qui s’inscrit dans la durée.
L’APLD est un dispositif cofinancé par l’État et l’UNEDIC, qui permet aux entreprises confrontées à une réduction d’activité durable mais qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité, de diminuer l’horaire de travail en contrepartie d’engagements en matière de maintien de l’emploi.
Sa genèse a donné lieu à une querelle amusante de dénomination : en introduisant la mesure dans la loi n° 2020–734 du 17 juin 2000 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, le gouvernement l’avait appelée « Activité Réduite pour le Maintien en Emploi » ce qui correspondait à l’acronyme ARME. Les partenaires sociaux ont jugé trop belliqueuse cette appellation : c’est la raison pour laquelle, dans le décret n° 2020–926 du 28 juillet 2020, le gouvernement est revenu à l’appellation plus neutre d’Activité Partielle de Longue Durée (APLD).
Il est régi par deux textes :
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- L’article 53 de la loi n° 2020–734 du 17 juin 2000 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ;
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- le décret n° 2020–926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable.
1. L’APLD présente cinq différences structurelles avec l’activité partielle :
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- En premier lieu, elle ne peut être mise en œuvre que par un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou par un accord de branche, alors que l’activité partielle relève d’une décision unilatérale de l’administration ;
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- En deuxième lieu, la durée de la mesure est très différente puisqu’elle peut durer jusqu’à 24 mois, par périodes de six mois, alors que la durée maximale de l’activité partielle va être ramenée à six mois ;
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- En troisième lieu, l’APLD est exclusivement une aide à la réduction de la durée du travail, alors que l’activité partielle peut aider une entreprise qui est contrainte de fermer comme une entreprise qui réduit la durée du travail : cette réduction est limitée à 40 % et peut être portée exceptionnellement à 50 % ;
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- En quatrième lieu, l’APLD comporte des engagements ambitieux en matière d’emploi qui portent, en principe, sur l’intégralité des emplois de l’établissement ou de l’entreprise. Toutefois l’accord peut limiter ces engagements, ce qui conduit à distinguer deux cercles de salariés :
1- les salariés qui sont en APLD et qui ne peuvent pas être licenciés en vertu de l’article 2 du décret n° 2020–926 du 28 juillet 2020 ;
2- les autres salariés pour lesquels l’accord détermine librement ceux qui font l’objet d’un engagement de maintien dans l’emploi, les autres pouvant faire l’objet d’une procédure de licenciement ;
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- En cinquième lieu, alors que, dans le régime de l’activité partielle, la doctrine administrative actuelle est qu’aucun licenciement n’est possible, dans l’APLD, les textes prévoient cette possibilité en permettant à l’accord de déterminer librement le champ d’application des emplois faisant l’objet d’un engagement de maintien de l’emploi.
2. Régime
2.1. Le régime juridique de l’APLD est défini très clairement tant par la loi du 17 juin 2020 que par le décret du 28 juillet 2020 :
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- L’article 53 VIII de la loi précise que ne sont pas applicables au régime d’activité partielle spécifique prévu au présent article un certain nombre de dispositions, notamment celles qui permettent l’individualisation de l’activité partielle ;
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- L’article 9 du décret du 28 juillet 2020 dispose que : « Les dispositions du chapitre II du titre II du livre 1er de la cinquième partie de la partie réglementaire du code du travail sont applicables au dispositif spécifique d’activité partielle, à l’exception des articles R 5122–1 à R 5122–4, R 5122–6 , R 5122–7, R 5122–9, R 5122–10, R 5 122–12, D 5122–13 et des deux premiers alinéa de l’article R 5122–18 »
-
- Il en résulte que les dispositions régissant l’activité partielle sont en principe applicables à l’APLD, à l’exception des dispositions qui ont été expressément exclues par la loi et le décret.
2.2. Le champ d’application de l’APLD est donc très large : elle est mobilisable par toutes les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable et implantées sur le territoire national, sans critères de taille ou de secteur d’activité.
2.3. Le contenu obligatoire de l’accord et du document élaboré par l’employeur est défini de façon très précise par l’article 1er du décret du 28 juillet 2020 :
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- la date de début et la durée de l’application du dispositif spécifique d’activité partielle ;
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- les activités et salariés auxquels s’applique le dispositif ;
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- la réduction maximale de l’horaire de travail en-deçà de la durée légale ;
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- les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ;
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- les modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et des institutions représentatives du personnel sur la mise en œuvre de l’accord.
Ils peuvent également prévoir :
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- les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord, les mandataires sociaux et les actionnaires, fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de recours au dispositif ;
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- les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en œuvre du dispositif ;
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- les moyens du suivi de l’accord par les organisations syndicales.
2.4. Les engagements en matière d’emploi sont beaucoup plus souples que pour l’activité partielle : en effet l’article 1er IV du décret laisse à l’accord collectif une liberté totale pour déterminer le champ des engagements en matière de maintien de l’emploi, ce qui implique que les activités et les emplois de l’entreprise qui sont en dehors de ce champ peuvent faire l’objet de procédures de licenciement.
2. 5. Montant de l’aide :
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- Le salarié placé en activité partielle de longue durée reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette à l’indemnité de congés payés limitée à 4,5 SMIC ;
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- L’employeur reçoit une allocation équivalente à une part de la rémunération horaire brute du salarié placé en APLD égale à 60 % de la rémunération horaire brute limitée à à 4,5SMIC, jusqu’au 1er octobre 2020.
Le décret du 28 juillet 2020 avait prévu de ramener ce taux à 56 % à compter du 1er octobre 2020 ; mais, compte tenu de la gravité de la situation économique, le gouvernement a finalement décidé de maintenir le taux de 60 %. Le taux horaire de l’allocation ne peut être inférieur à 7,23 euros.
2.6.  Procédure
L’accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou le document de l’employeur doivent être transmis par l’employeur à la DIRECCTE de son territoire. Un dépôt sera bientôt possible directement en ligne sur le portail de l’activité partielle. La DIRECCTE dispose de 15 jours pour valider un accord et de 21 jours pour homologuer un document élaboré en application d’un accord de branche. Le bénéfice de l’APLD est, comme on l’a vu, accordé par période de six mois, dans la limite de 24 mois.
3. Application du dispositif
3.1. Accords de branche
Cinq accords de branche ont été signés à ce jour :
Le premier est l’accord signé dans la métallurgie le 30 juillet 2020, c’est-à -dire le jour même de la publication au JO du décret du 28 juillet 2020. Cet accord a été signé par l’UIMM et trois organisations syndicales représentatives : la CFDT, la CFE-CGC et FO.
Il prévoit une réduction de la durée du travail de 40 %. L’originalité de cet accord est qu’il limite les engagements en matière d’emploi aux « salariés concernés par le dispositif d’activité réduite», c’est-à -dire ceux pour lesquels l’article 2 du décret du 28 juillet 2020 prévoit, en cas de licenciement, une sanction automatique de remboursement de l’aide.
Dans la mesure où cet accord a été étendu par un arrêté du 25 août 2020 sans observation sur ce point, on peut considérer que l’administration a estimé que cette clause constituait une clause d’engagement en matière d’emploi suffisante.
Le deuxième accord est l’accord Syntec signé le 10 septembre 2020 par la fédération Syntec et par quatre organisations syndicales : la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC et la CGT. Cet accord prévoit :
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- la mise en place d’une indemnisation complémentaire obligatoire pour les salariés dont le temps de travail a été réduit ;
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- l’interdiction d’augmenter les salaires fixes des dirigeants salariés ayant le statut de mandataires sociaux pendant la durée de l’accord ;
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- l’interdiction de tout plan de sauvegarde de l’emploi, hors plan de départs volontaires, dans les établissements mettant en œuvre ce dispositif d’activité partielle ;
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- une information du CSE tous les deux mois ;
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- la mise en place d’un abondement au titre du compte personnel formation.
L’accord signé par la fédération française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie conclu pour une durée d’un an, qui prévoit une réduction de la durée du travail de 40 %.
L’accord du 1er septembre 2020 relatif à l’activité partielle de longue durée dans la branche de l’exploitation cinématographique ;
L’accord 2020/2 du 14 septembre2020 relatif à l’activité partielle de longue durée dans la branche des Distributeurs Conseils Hors Domicile.
3. 2. Les accords d’entreprise
Début novembre, 4300 accords ont été signés, qui couvrent plus de 300 000 salariés, dont 80% travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés.
Parmi les tous premiers accords, on peut citer :
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-  celui de Safran qui a signé le 8 juillet 2020 un accord de « transformation d’activité » applicable jusqu’au 31 décembre 2021 qui prévoit de déployer le nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée dès que l’ensemble des textes seront sortis. Cet accord prévoit de mobiliser un fonds de solidarité groupe pour améliorer l’indemnisation des salariés.
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-  celui du groupe Robert Bosch qui a signé le 17 juillet dernier un accord permettant de placer en activité partielle les salariés du groupe Bosch dans la limite de 40 % de leur temps de travail, avec une rémunération de 90 % du salaire net. La réduction de la durée du travail ne pourra excéder 40 %. L’entreprise ou d’établissement qui utilisera ce dispositif s’engagera, à chaque demande adressée à l’administration, soit tous les six mois, à ne pas effectuer de licenciement pour motif économique ou de rupture conventionnelle collective. Par ailleurs les périodes de basse activité seront utilisées pour mettre en œuvre des actions de formation.
Ce bilan peut apparaître maigre, au niveau des branches (5 accords) comme au niveau des entreprises ( 4300 accords). Toutefois il convient de tenir compte de la sortie très récente des textes, des délais inhérents à toute négociation et du délai nécessaire à la procédure d’extension puisque, pour être applicables, les accords de branche doivent être étendus. On peut dès lors espérer qu’un nombre d’accords plus important soient en gestation et émergent dans les mois qui viennent.
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