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Mode d’emploi du droit à la déconnexion

Mode d’emploi du droit à la déconnexion

La nouvelle obligation issue de la loi Travail instituant un droit à la déconnexion n’est guère explicitée par les textes. Blocages des serveurs, mesures de sensibilisation, modes alternatifs de communication : que doivent concrètement mettre en place les entreprises pour satisfaire à leurs nouvelles obligations ?

Tour d’horizon des différentes mesures possibles.

 

Les cadres français passaient en 2015 environ 5,6 heures par jour à traiter leurs e-mails. En raison de cette même prolifération des e-mails, 58% des « travailleurs du savoir » considèrent avoir entre 15 et 30 minutes par jour pour réfléchir durant leur journée de travail. Enfin, un utilisateur consulterait en moyenne 150 fois son smartphone par jour (1).

Cette emprise croissante des outils de communication numériques dans le monde du travail a donné lieu à plusieurs études et rapports, dont celui rendu par Bruno Mettling en septembre 2015, et a finalement conduit le législateur à inclure dans la loi Travail du 8 août 2016 un droit à la déconnexion soumis à certaines conditions.

 

Une nouvelle obligation au champ d’application très large

Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises de plus de 50 salariés disposant de délégués syndicaux doivent inclure dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail les « modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » (article L. 2242-8 du Code du travail).

A défaut d’accord collectif, l’employeur est tenu d’élaborer une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du CHSCT qui prévoit les modalités d’exercice du droit à la déconnexion et la mise en place d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.

Pour les entreprises non soumises à une telle obligation de négociation, l’obligation de se doter de mesures sur le droit à la déconnexion résulte de la sécurisation de leurs conventions de forfaits en jours.

En effet, pour toutes les entreprises ayant recours à ce mode d’aménagement du temps de travail (principalement pour leurs cadres), l’accord collectif autorisant ces conventions doit dorénavant mentionner les modalités d’exercice du droit à la déconnexion (article L. 3121-65 du Code du travail).

A défaut d’un accord conforme à ces nouvelles dispositions, l’employeur doit pour conclure une convention de forfaits en jours, communiquer par tout moyen aux salariés concernés les modalités d’exercice du droit à la déconnexion qu’il a définies.

 

Deux types d’approche : le « guide de bonne conduite » et la norme contraignante

L’examen des premiers accords conclus sur le thème du droit à la déconnexion fait apparaître deux types d’approche. La première, volontariste et inspirée des dispositifs en vigueur depuis plusieurs années dans certains grands groupes en Allemagne, repose sur l’édiction de normes particulièrement contraignantes et permettant donc de rendre réellement effectif le droit à la déconnexion.

La seconde approche suit la logique des « chartes éthiques » et autres « codes de bonne conduite » en ce qu’elle vise plutôt à édicter des principes généraux en invitant les salariés à se responsabiliser eux-mêmes dans la bonne et raisonnée utilisation des moyens de communication numériques.

 

Typologie des mesures rencontrées

Les principales mesures retenues dans les accords ou chartes relatifs au droit à la déconnexion s’articulent autour des thèmes suivants :

 

    • édiction d’un principe d’utilisation « raisonnable » de la messagerie, conduisant à éviter l’envoi de messages en dehors des heures habituelles de travail ;
    • instauration de temps de déconnexion, avec des plages horaires déterminées (soirée et week-end, congés, périodes de suspension du contrat de travail, etc.) ;
    • insertion de messages automatiques invitant les récipiendaires des messages « tardifs » ou à des horaires inhabituels à ne pas répondre immédiatement et à traiter lesdits messages durant les plages horaires habituelles de travail ;
    • limitation de l’envoi des messages en dehors du temps de travail à des circonstances exceptionnelles ou à des cas d’urgence devant être dûment justifiés ;
    • définition de plages horaires de déconnexion en favorisant les envois différés ;
    • blocage des serveurs pendant les temps de repos ;
    • mise en place d’outils de suivi des flux et d’études qualitatives périodiques auprès des salariés ;
    • mise en place de journées ou de périodes sans e-mail ;
    • développement de modes de communication ou de collaboration alternatifs (messageries internes, réunions de travail, télétravail, etc.) ;
    • actions de sensibilisation sur les méfaits de la surconnexion et de formation des salariés…

 

L’imagination des partenaires sociaux ira-t-elle jusqu’à intégrer des objectifs de réduction des flux d’utilisation des outils numériques pour, par exemple, calculer l’intéressement des salariés ?

Aussi vertueuses et créatives soient-elles, ces mesures témoignent de ce que l’effectivité du droit à la déconnexion peut certes reposer sur des mesures incitatives fixées par les employeurs mais il procédera surtout de la capacité de chacun –que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle- à s’affranchir d’une utilisation parfois frénétique de ces outils.

 

(1) Source Le Monde 2016

 

Article publié dans les Echos BUSINESS du 02/03/2017

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