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Point sur l’opposabilité à l’URSSAF des circulaires et instructions

Point sur l’opposabilité à l’URSSAF des circulaires et instructions

L’ordonnance n°2005-651 du 6 juin 2005 offre au cotisant – nous nous intéresserons plus spécifiquement à la situation de l’employeur, bien que le régime vaille également pour les travailleurs indépendants, les commerçants, les artisans ou les professions libérales – des droits importants, parmi lesquels celui d’opposer à l’URSSAF les circulaires et instructions rédigées par le ministre en charge de la sécurité sociale (cf. article L 263-6-2 du Code de la sécurité sociale).

Cette disposition prévoit plus précisément que, lorsque l’employeur a appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales conformément à l’interprétation admise par une circulaire ou une instruction émanant du ministre chargé de la sécurité sociale, l’URSSAF ne peut procéder à aucun redressement des cotisations ou des contributions sociales pour la période durant laquelle l’employeur a appliqué l’interprétation alors en vigueur en suivant une interprétation différente de celle admise par l’Administration.

Seules les circulaires et instructions émanant du ministre chargé de la sécurité sociale sont concernées, étant précisé que sont visés, aux termes de l’article L 243-6-2 précité :

  • d’une part les circulaires et instructions dudit ministre, publiées conformément à la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
  • d’autre part ces mêmes textes publiés dans les conditions prévues à l’article 5-1 de l’ordonnance n°2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs.

La circulaire DSS/5C 2006-72 du 21 février 2006 précise plus concrètement encore que :

  • la circulaire ou l’instruction ministérielle doit revêtir le timbre de la direction de la Sécurité sociale
  • la circulaire ou l’instruction ministérielle doit être publiée au Bulletin officiel du ministère des Solidarités et de la Santé, au format papier ou électronique, disponible sur le site http://solidarites-sante.gouv.fr/ à la rubrique Documentation. Cette condition doit être appréciée strictement. Ainsi, par exemple, la publication au Journal officiel d’une réponse ministérielle n’ouvre pas droit à cette garantie ;
  • la législation sur laquelle s’appuie la circulaire doit toujours être applicable. En effet, une loi ou un nouveau décret peut remettre en cause le contenu d’une circulaire ;
  • la circulaire ou l’instruction ministérielle doit encore être en vigueur. Elle ne doit pas être abrogée ou remplacée par une nouvelle circulaire. Dans un tel cas, la garantie contre le redressement des cotisations et des contributions sociales vaut uniquement pour la période d’application du texte, c’est-à-dire jusqu’à la date de publication de la nouvelle circulaire ou instruction.

Depuis le 1er mai 2009, les circulaires ministérielles doivent, pour être applicables, avoir été publiées sur un site internet unique relevant du Premier ministre.

Si l’on s’en tient à ce qui précède, l’employeur ne peut donc opposer à l’URSSAF ni les réponses ministérielles, bien qu’elles soient publiées au Journal officiel, ni les circulaires ou instructions non publiées au Bulletin officiel (par exemple, celles qui sont diffusées sur le seul site « securite-sociale.fr » ou sur les sites de l’URSSAF), ni les circulaires ou instructions de l’ACOSS ou des caisses nationales de sécurité sociale.

A titre d’illustration, il a été jugé notamment :

  • qu’une circulaire n’est pas opposable à l’URSSAF lorsque la situation du redevable ne relève pas de ses prévisions (Cass. 2e civ. 18 juin 2015, n°14-18586) ;
  • qu’une circulaire n’est pas opposable à l’URSSAF lorsqu’elle ne comporte, à proprement parler, aucune interprétation à la règle d’assiette (Cass. 2e civ. 12 mars 2015, n°14-10744).

Dans une affaire tranchée par la Cour de cassation le 3 mars 2011 (n°10-15702), l’URSSAF, qui a procédé à la réintégration, après taxation forfaitaire, dans l’assiette des cotisations sociales pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, de l’avantage constitué par la délivrance aux salariés de titres de circulation à tarif réduit sur ses lignes ou celles d’autres compagnies partenaires, a estimé que l’employeur n’était pas fondé à lui opposer une instruction ministérielle du 28 janvier 2009.

La Cour d’appel, pour écarter la contestation par l’employeur des bases forfaitaires retenues par l’URSSAF pour procéder à l’évaluation de l’avantage en nature, a énoncé que l’instruction ministérielle du 28 janvier 2009 ne s’appliquait pas au moment du contrôle et ne présentait aucune valeur obligatoire pour les juridictions.

La Cour de cassation a cassé cette analyse en rappelant que l’article L 243-6-2 du Code de la sécurité sociale autorise l’employeur à se prévaloir envers l’URSSAF de l’interprétation de la législation donnée par les circulaires et instructions ministérielles régulièrement publiées.
On peut cependant s’étonner d’une telle solution, s’agissant d’une circulaire intervenue plusieurs années après le redressement opéré.

Plus récemment, dans une affaire tranchée le 24 mai 2017 (n°16-15724), la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de l’opposabilité d’une circulaire à l’URSSAF par l’employeur dans une hypothèse où les inspecteurs du recouvrement avaient formulé des observations pour l’avenir.

Dans cette espèce, une société avait fait l’objet d’un contrôle de l’application de la législation de la sécurité sociale par l’URSSAF portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. A la suite de ce contrôle, l’URSSAF a adressé à la société une lettre d’observations visant divers chefs de redressements ainsi que des observations pour l’avenir portant en particulier sur un accord d’intéressement.

La société a fait grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de la débouter de sa demande d’annulation des observations pour l’avenir relatives à son accord d’intéressement alors que, selon elle, en vertu de l’article L 243-6-2 du Code de la sécurité sociale, un cotisant est fondé à opposer à une URSSAF l’interprétation admise par une circulaire publiée.

Elle ajoutait notamment :

  • que la circulaire interministérielle -on notera qu’il ne s’agissait donc pas d’une circulaire émanant du ministre en charge de la sécurité sociale au sens et dans les conditions de l’article L 243-6-2 du Code du travail- du 14 septembre 2005 relative à l’épargne salariale et publiée au Journal officiel n°255 du 1er novembre 2005, prévoit dans sa fiche n°5 relative à la répartition de l’intéressement prévue par accord d’intéressement que « la définition du salaire peut également intégrer un plancher et / ou un plafond destiné à atténuer la hiérarchie des rémunérations » ;
  • que conformément à l’article L 243-6-2 précité, elle était en droit d’opposer à l’URSSAF l’interprétation de l’article L 3314-5 du Code du travail retenue par la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 selon laquelle la pratique consistant à l’application d’un montant plafond et / ou plancher dans la détermination de la rémunération prise en compte pour le calcul de l’intéressement est valable dès lors qu’elle a pour but d’atténuer les différences de rémunération pouvant exister entre les salariés et ne remet pas en cause le principe de répartition proportionnelle de l’intéressement ;
  • qu’en refusant de faire application de cette interprétation de la loi prévue par la circulaire publiée, qui était pourtant opposable selon elle à l’URSSAF, et en retenant que son argument était inopérant alors qu’elle arguait que son accord d’intéressement était conforme à la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005, la Cour d’appel a violé les articles L 242-1 et L 243-6-2 du Code de la sécurité sociale, ainsi que les articles L 3312-4 et L 3314-5 du Code du travail, de même que la circulaire interministérielle publiée le 14 septembre 2005 relative à l’épargne salariale.

La Cour de cassation n’a pas retenu cette analyse considérant que, selon l’article L 243-6-2 du Code de la sécurité sociale, le redevable ne peut opposer à l’URSSAF l’interprétation de la législation relative aux cotisations et contributions sociales admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale publiée, selon les modalités qu’il précise, uniquement pour faire échec au redressement de ses cotisations et contributions par l’organisme fondé sur une interprétation différente.

Elle en a déduit que la circulaire n’est donc pas opposable à l’URSSAF lorsque cette dernière formule des observations pour l’avenir.

 

Auteur

Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social

 

Point sur l’opposabilité à l’URSSAF des circulaires et instructions – Article paru dans Les Echos Business le 14 septembre 2017
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