Rupture conventionnelle et salariés seniors : attention à l’URSSAF

9 mars 2015
Créée par la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle a connu depuis un succès qui ne se dément pas : en 2014, près de 335 000 ruptures ont été homologuées par l’Administration.
Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de revenir sur une obligation applicable lorsque la rupture conventionnelle est conclue avec un salarié âgé de plus de 55 ans, qui s’avère méconnue de nombre d’employeurs.
Régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle
L’indemnité de rupture conventionnelle bénéficie en principe des mêmes exonérations de cotisations de sécurité sociale et de CSG/CRDS que l’indemnité de licenciement versée hors plan de sauvegarde de l’emploi. Elle est en revanche assujettie au forfait social au taux de 20% pour sa part exclue de CSG, et ce depuis le 1er janvier 2013.
Ces règles ne valent toutefois qu’à la condition que le salarié ne soit pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire.
Si tel est le cas, l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement soumise aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS (mais pas au forfait social).
Pour permettre aux URSSAF de vérifier la bonne application de ces règles s’agissant, notamment, des salariés susceptibles de partir en retraite de manière anticipée lorsqu’ils justifient d’une carrière longue, la Direction de la Sécurité Sociale a indiqué dans une circulaire du 10 juillet 2009 que «pour le salarié âgé de 55 à 59 ans compris avec lequel a été conclue une convention de rupture, l’employeur devra pouvoir présenter à l’agent chargé du contrôle un document relatif à la situation du salarié au regard de ses droits à la retraite de base. A ce titre, il peut demander au salarié avec lequel il est envisagé de conclure une rupture conventionnelle de lui fournir copie du document attestant de sa situation à l’égard des droits à retraite établi par les caisses de retraite de base dont il dépend».
Exigence des URSSAF lors des contrôles
Lorsque des ruptures conventionnelles ont été conclues avec des salariés de 55 ans et plus au cours d’une période contrôlée, l’on observe que les inspecteurs URSSAF exigent le plus souvent des employeurs qu’ils soient en mesure de produire un document établi par la CARSAT (ou le cas échéant par la CNAV), attestant du fait qu’à la date de la rupture, le salarié ne pouvait pas prétendre à la liquidation d’une pension de vieillesse.
Faute pour l’employeur de produire ce document, les URSSAF considèrent que l’indemnité de rupture conventionnelle aurait dû être assujettie à cotisations sociales, CSG et CRDS dès le premier euro et notifient un redressement.
Et la production du relevé de carrière des salariés concernés (lorsque l’employeur parvient à se le procurer, le salarié ayant par définition quitté l’entreprise…) ne change pas l’analyse de certains inspecteurs du recouvrement, pour lesquels ce document ne suffirait pas à justifier des droits des salariés au regard de la retraite…
Une exigence critiquable
Ce formalisme est excessif et nous paraît juridiquement critiquable.
En effet, les textes légaux (articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du Code général des impôts) ne subordonnent en aucun cas l’exonération sociale des indemnités de rupture conventionnelle versées aux salariés de 55 ans et plus à la production par l’employeur d’une attestation de la CARSAT.
Ils indiquent seulement que le régime social de faveur est applicable lorsque le salarié «n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire».
S’il appartient à l’employeur d’établir que cette condition est bien remplie, la preuve doit pouvoir, selon nous, en être rapportée par tout moyen et ne saurait être limitée à la production d’une attestation de la CARSAT.
La circulaire DSS du 10 juillet 2009 (sur laquelle les URSSAF fondent leurs redressements) ne dit d’ailleurs rien de plus, puisqu’elle se contente d’indiquer que l’employeur doit présenter à l’inspecteur du recouvrement «un document relatif à la situation du salarié au regard de ses droits à la retraite de base».
Dès lors, la position de certaines URSSAF selon lesquelles un relevé de carrière serait insuffisant paraît injustifiée.
Par ailleurs et dans certaines situations, le simple rappel des règles applicables aux retraites anticipées pour carrières longues permet de démontrer qu’un salarié, même s’il est âgé de 55 ans ou plus, ne peut pas bénéficier de ce dispositif compte-tenu de sa date de naissance, et de son âge lors de la rupture du contrat. En quoi, dans ce cas, la production d’un quelconque document serait-elle nécessaire compte-tenu de la rédaction des dispositions légale précitées ?
Rappelons sur ce point que la circulaire DSS du 10 juillet 2009 constitue une position administrative, qui ne lie pas les tribunaux en cas de contentieux…
Recommandations
Au-delà du débat juridique relatif au bien-fondé des exigences des URSSAF en la matière, il est recommandé à l’employeur, compte-tenu de la rédaction de la circulaire du 10 juillet 2009 et en l’absence, pour l’heure, de jurisprudence claire sur cette question, de demander au salarié âgé de 55 ans et plus avec qui il envisage de conclure une rupture conventionnelle de lui remettre, au préalable et à tout le moins, une copie de son relevé de carrière.
Cette copie doit être tenue à la disposition des inspecteurs URSSAF en cas de contrôle.
Article publié dans Les Echos Business du 9 mars 2015
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