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Protection liée à la naissance d’un enfant : extension au père des restrictions de licenciement

Protection liée à la naissance d’un enfant : extension au père des restrictions de licenciement

Si l’on pense souvent aux différences de rémunération en matière d’égalité hommes-femmes, la chambre sociale de la Cour de cassation vient nous rappeler – dans un arrêt du 27 septembre 2023(1) – que cette recherche d’égalité va bien au-delà de la simple égalité salariale. 

 

Dispositions applicables et faits d’espèce

 

L’article L.1225-4-1 du Code du travail dispose, sans faire de distinction entre le père et la mère :

 

⇒ Qu’«aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant ;

 

⇒ Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant».

 

Il s’agit donc d’une protection relative contre le licenciement, à l’instar de celle qui est reconnue aux femmes en état de grossesse médicalement constatée avant le début du congé de maternité et pendant les dix semaines qui suivent ce congé ou les congés payés pris immédiatement après (2).

 

S’agissant de la protection accordée à la mère, qui figure depuis longtemps dans le code du travail, la Cour de cassation a apprécié strictement la condition d’impossibilité de maintien du contrat de travail susceptible de permettre un licenciement au cours de la période de protection de 10 semaines suivant la naissance, en considérant que cette impossibilité ne peut être justifiée :

 

♦ que par des circonstances indépendantes du comportement de la salariée (en ce sens, ne constituent pas, à eux seuls l’impossibilité de maintenir le contrat de travail le motif économique du licenciement (3) ou encore l’inaptitude physique avec impossibilité de reclassement (4)) ;

 

♦ et non par une insuffisance professionnelle (5) ou encore par l’application d’une clause conventionnelle autorisant le licenciement pour absence prolongée nécessitant le remplacement du salarié (6).

 

En outre, l’employeur doit indiquer, de manière précise, dans la lettre de licenciement, le motif rendant impossible le maintien du contrat, sous peine de nullité du licenciement (7).

 

Dans son arrêt du 27 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, étend au père sa jurisprudence relative à la protection de la mère, conformément à la volonté du législateur de ne pas faire de distinction entre les deux parents (8).

 

La lettre de licenciement doit caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du père pendant la période de protection

En l’espèce, un salarié avait été licencié deux semaines après la naissance de son enfant.

 

La lettre de licenciement faisait état :

 

    • de divers manquements professionnels ;
    • mais pas d’une faute grave ni de l’impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la naissance.

 

Faisant application d’une jurisprudence bien établie visant à protéger la mère contre le licenciement pendant la période de protection dite relative, la Cour de cassation a considéré, sur le fondement de l’article L.1225-4-1 précité, que le licenciement était intervenu en violation des dispositions protectrices de la parentalité.

 

Le licenciement prononcé à l’encontre du père était par conséquent nul.

 

Pas de possibilité de préciser ultérieurement l’impossibilité de maintenir le contrat de travail

Si l’employeur a tenté de démontrer devant les juges, l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié, cette démonstration – outre le fait que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne constituaient pas une telle impossibilité – est intervenue trop tardivement

 

A l’instar de la protection accordée à la mère, la lettre de licenciement fixe les limites du litige quand il s’agit de licencier un père pendant la période de protection. L’employeur ne pourra donc se rattraper, ultérieurement, en démontrant l’impossibilité de maintenir le contrat de travail devant le juge saisi du litige s’il ne l’a pas précisé dans la lettre de licenciement.

 

La sanction est lourde : quand bien même il y aurait impossibilité de maintenir le contrat de travail, le licenciement sera nul si la lettre de licenciement ne caractérise pas cette impossibilité.

 

La solution aurait été toute autre si l’employeur avait :

 

    • caractérisé l’impossibilité de maintenir le contrat de travail dans la lettre de licenciement (sous réserve d’une réelle impossibilité) ;
    • ou encore s’il avait simplement attendu l’expiration de la période de protection pour notifier au salarié son licenciement.

 

Si l’on pense toujours à vérifier qu’une salariée n’est pas protégée au titre de la maternité lorsque son licenciement est envisagé, il convient désormais d’étendre ce réflexe quand il s’agit de licencier un salarié qui vient d’être père.

 

AUTEURS

Ludovique Clavreul, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats

Sophie Montagne, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

  

(1) Cass. soc., 27 septembre 2023, n°21-22.937.
(2) Pendant le congé de maternité et les congés payés qui lui sont accolés, la protection de la salariée contre le licenciement est absolue de sorte qu’aucune mesure préparatoire au licenciement (ex. convocation à entretien préalable) ne peut être prise pendant cette période (voir en ce sens Cass. soc., 29 novembre 2023 n°22-15.794) et que le licenciement ne peut pas être notifié à la salariée.
(3) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 10-28.510.
(4) Cass. soc., 3 nov. 2016, n°15-15.333.
(5) Cass. soc., 27 avril 1989, n°86-45.547.
(6) Cass. soc., 28 oct. 1998, n°96-43.760.
(7) Cass. soc., 24 avril 2013, n°12-13.035.
(8) Loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

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