Transparence financière : aucun syndicat n’échappe à la règle
4 juin 2020
Le principe selon lequel tout syndicat, même non-représentatif, doit faire la preuve de sa transparence financière pour exercer valablement ses prérogatives dans l’entreprise, et notamment pour désigner un représentant de section syndicale (RSS), vient d’être confirmé par le Conseil constitutionnel.
Un principe jurisprudentiel en question
Dans le cadre d’un contentieux relatif à la désignation d’un RSS, un employeur faisait valoir que la désignation n’était pas valable notamment sur le fondement du non-respect par le syndicat du critère de la transparence financière. En effet, dans un arrêt du 22 février 2017, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel les syndicats représentatifs comme non représentatifs remplissent cette condition de transparence financière « pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise ». En conséquence, un syndicat non représentatif souhaitant désigner un RSS doit satisfaire à la condition de transparence financière (Cass. soc., 22 février 2017, n° 16-60.123).
Cette interprétation pouvait être discutée, puisqu’aux termes d’une lecture littérale des textes, la transparence financière conditionne uniquement la qualité de syndicat représentatif. Elle n’est pas non plus exigée du syndicat qui constitue une section syndicale, ni celui qui désigne un RSS. Le 29 janvier 2020, sur recours du syndicat ayant procédé à la désignation litigieuse, la Cour de cassation a soumis la conformité de son interprétation de l’article L.2121-1 du Code du travail à l’examen du Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur une éventuelle atteinte au principe de la liberté syndicale (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 19-40.034).
Un principe jurisprudentiel légitimé par la défense des intérêts des salariés
Dans sa décision du 30 avril 2020, le Conseil constitutionnel approuve la position adoptée par la Cour de cassation et la déclare conforme à la Constitution (Décision n° 2020-835 QPC du 30 avril 2020). Ainsi, pour exercer leurs prérogatives dans l’entreprise (constitution d’une section syndicale, désignation d’un RSS, présentation de candidats au premier tour des élections professionnelles) un syndicat non représentatif doit justifier qu’il satisfait au critère de transparence financière.
A l’appui de cette décision, le Conseil constitutionnel fait valoir que la transparence financière est une qualité inhérente à tout syndicat, représentatif ou non : « en imposant aux syndicats une obligation de transparence financière, le législateur a entendu permettre aux salariés de s’assurer de l’indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts ».
Le Conseil constitutionnel rappelle que : « il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu’un syndicat non représentatif peut rapporter la preuve de sa transparence financière soit par la production des documents comptables requis en application des articles L.2135-1, L.2135-4 et L.2135-5 du Code du travail, soit par la production de tout autre document équivalent ». On relèvera à cet égard que la loi du 20 août 2008 a soumis les organisations syndicales et professionnelles à des obligation d’établissement, d’approbation, de certification et de publication de leurs comptes (art. L.2135-1 à L.2335-6 du Code du travail). Cette obligation s’applique y compris aux syndicats non représentatifs.
L’exigence de transparence financière, y compris pour les syndicats qui ne sont pas encore représentatifs, ne méconnaît donc ni la liberté syndicale, ni le principe de participation, ni le principe d’égalité.
Une décision à saluer
La décision du Conseil constitutionnel a le mérite de mettre un terme au débat en confirmant l’interprétation de la Cour de cassation. Par ailleurs, cette décision doit être saluée : il serait en effet anormal qu’une organisation syndicale, dès lors qu’elle n’est pas représentative, échappe au principe de transparence financière qui innerve désormais tous les pans de la société (responsables politiques, syndicaux, associatifs).
Article publié dans les Echos Executives du 04/06/2020
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