Activités sociales et culturelles : la condition d’ancienneté est illicite

4 avril 2024
Par un arrêt en date du 3 avril 2024 (n°22-16.812), la Cour de cassation précise pour la première fois que le comité social et économique (CSE) ne peut réserver le bénéfice des activités sociales et culturelles (ASC) aux salariés ayant une ancienneté minimale.
Les critères des ASC
Au-delà de la liste non limitative des ASC de l’article L.2312-35 du Code du travail, les ASC sont définies par la jurisprudence comme «des activités, non obligatoires légalement, qu’elle qu’en soit leur dénomination, la date de leur création et leur mode de financement, exercées principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, sans discrimination, en vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise » (1).
Il résulte de cette définition que pour être considérée comme telle, l’ASC doit présenter les caractéristiques suivantes :
⇒ avoir un caractère facultatif : ne peuvent constituer une ASC une activité imposée à l’employeur par la loi ou par un accord collectif de branche ;
⇒ contribuer à l’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel ;
⇒ être destinée prioritairement aux salariés de l’entreprise ou à leur famille, anciens salariés ou stagiaires sans discrimination.
La limite dans la détermination des bénéficiaires
Ayant le monopole de gestion des ASC (2), le CSE fixe lui-même sa politique d’attribution en utilisant des critères de modulation tels que les revenus, le quotient familial, etc.
Toutefois, il ne peut s’appuyer sur des critères discriminatoires comme l’âge, le sexe, l’origine ethnique, l’appartenance à une religion ou à un syndicat pour refuser d’allouer une prestation à des salariés.
En pratique, certains CSE, se fondant sur le «guide du CSE» de l’Urssaf (3), réservaient le bénéficie des ASC aux salariés ayant une ancienneté minimale de six mois.
Tel était notamment le cas du règlement général relatif aux ASC du CSE de Groupama Assurances Mutuelles. Un syndicat avait alors assigné le CSE pour voir annuler la clause litigieuse du règlement général.
La cour d’appel avait estimé que la condition d’ancienneté était appliquée de la même manière à l’ensemble des salariés, tous placés dans la même situation au regard d’un critère objectif qui ne prend pas en compte les qualités propres du salarié et qu’elle était légitime pour éviter un effet d’aubaine et préserver l’intérêt des salariés.
La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel et juge que «s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté».
Cette décision est conforme à la position du ministère du Travail considérait que «la différence de traitement entre les salariés au regard d’un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n’apparaît pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l’activité professionnelle tels que l’ancienneté ou la présence effective des salariés dans l’entreprise» (Rép. min., JOAN Q n° 43931, 6 mai 2014, p. 3688).
En pratique, il est recommandé aux employeurs d’informer rapidement les CSE de cette évolution de la jurisprudence afin que ces derniers modifient leur politique d’ASC.
En effet, l’URSSAF considère que le non-respect des critères requis pour qualifier une prestation d’activité sociale et culturelle, notamment le critère de l’interdiction des discriminations, fait perdre le bénéfice des exonérations de cotisations et de contributions sociales.
Par conséquent, nonobstant le guide du CSE, elle pourrait s’appuyer sur la décision de la Cour de cassation pour remettre en cause des exonérations sociales lors du contrôle de la société.
AUTEURS
Ludovique Clavreul, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats
Laure Guilmet, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats
(1) Cass. soc. 13 novembre 1975, n° 73-14.848
(2) Article L.2312-78 et R.2312-37 et suivants du Code du travail
(3) https://www.urssaf.fr/portail/files/live/sites/urssaf/files/documents/Guide-CSE.pdf
Related Posts
Le comité d’entreprise (ou le CSE) peut-il valablement désigner un expert rÃ... 12 juin 2018 | CMS FL

Le chemin de croix du licenciement des salaries protégés : analyse des règles... 16 avril 2021 | CMS FL Social

Covid-19 : précisions sur les modalités d’organisation des visites médi... 15 avril 2020 | CMS FL Social

Calcul de la représentativité patronale : le critère « une entreprise = une... 23 février 2016 | CMS FL

Comment révoquer un représentant de proximité ?... 22 juillet 2024 | Pascaline Neymond

Le droit à expertise du comité social et économique... 28 février 2018 | CMS FL

Vote électronique pour vos élections professionnelles : soyez prêts !... 31 mai 2022 | Pascaline Neymond

Elections professionnelles : la détermination des électeurs à l’aune de la ... 10 octobre 2022 | Pascaline Neymond

Articles récents
- Transposition de la directive : la transparence des rémunérations dès l’embauche
- Canicule : Nouvelles obligations relatives à la prévention des risques liés à la chaleur au travail
- Ne pas informer son employeur d’une relation intime avec un autre salarié peut justifier un licenciement disciplinaire
- Transparence salariale : la refonte de l’index EgaPro est annoncée
- TVA : véhicules de tourisme mis à disposition des salariés
- Liste des métiers en tension : l’arrêté est publié
- Enquêtes internes : le mode d’emploi de la Défenseure des droits
- Conditions de production d’une preuve illicite ou déloyale : une jurisprudence réaffirmée
- Le déploiement des systèmes d’intelligence artificielle à l’épreuve du droit social
- Aide aux entreprises : l’APLD Rebond succède à l’APLD