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Annulation en justice du PSE homologué : le Conseil d’Etat précise les règles de révision du PSE unilatéral !

Annulation en justice du PSE homologué : le Conseil d’Etat précise les règles de révision du PSE unilatéral !

Le Conseil d’Etat poursuit l’élaboration de sa jurisprudence portant sur les règles applicables au PSE homologué, introduites originellement par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

 

Dans le sillage d’une vision résolument pragmatique, le Conseil d’Etat se prononce, dans la décision commentée, sur les conséquences concrètes de l’annulation par les juridictions administratives du PSE homologué par la Drieets (CE, 27 juin 2025 n°463870).

 

Plus particulièrement, dans cette affaire, le Conseil d’Etat clarifie la procédure à suivre par l’employeur s’il souhaite modifier le document unilatéral afin de corriger les irrégularités ayant donné lieu à annulation.

 

Doit-il reprendre intégralement la procédure d’information et de consultation du comité social et économique (CSE) ou peut-il se contenter d’une information-consultation «allégée» portant uniquement sur les seuls points contestés ?

 

Une reprise intégrale de la procédure impliquerait, conformément à l’article L.1233-30 du Code du travail, que le CSE tienne « au moins deux réunions espacées d’au moins quinze jours », portant, non seulement, sur l’opération projetée et ses modalités d’application, mais aussi sur le projet de licenciement collectif.

 

Notons que, dans l’hypothèse d’entreprises dotées d’un CSE central, comme c’était le cas en l’espèce, ce même délai s’applique aux réunions du CSE d’établissement qui ont lieu après celles du CSE central (C. trav. art., L.1233-36).

 

L’enjeu pratique d’une telle interrogation est important pour permettre aux employeurs de reprendre le contenu d’un tel plan de manière sécurisée. Retour sur l’analyse de cette décision, les faits d’espèce, la solution rendue et sa portée.

 

Faits et procédure

 

En l’espèce, un projet de réorganisation résultant de la fermeture d’un établissement ayant pour conséquence la suppression de 14 emplois avait fait l’objet d’un document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l’emploi soumis à l’information-consultation du CSE central et du CSE d’établissement.

 

Comme le relève le rapporteur public, « une situation inédite » s’en est suivie puisque « le même PSE … a été homologué deux fois » dans le cadre de deux procédures distinctes.

 

Tout d’abord, à la suite d’une première décision homologation, le tribunal administratif de Melun avait annulé cette décision du fait de l’absence de prise en compte, par l’administration, des moyens du groupe dans son contrôle du caractère suffisant des mesures du plan.

 

La Cour administrative d’appel avait approuvé ce jugement, tout en considérant que l’erreur de l’administration sur le périmètre du groupe de moyen produisait des effets équivalents, pour les droits des salariés, à un motif d’annulation tiré de l’insuffisance du plan (1).

 

En parallèle, l’employeur avait décidé, pour tenir compte de ce premier jugement d’annulation, de présenter, un peu plus de deux mois plus tard, aux CSE central et d’établissement une nouvelle version du document unilatéral après y avoir apporté des modifications mineures par rapport au PSE initial, à savoir des précisions pour l’application du critère des qualités professionnelles à trois des catégories professionnelles et des actualisations sur le calendrier prévisionnel et la liste des postes de reclassement.

 

Alors que cette seconde version du document unilatéral avait été à nouveau homologuée par l’administration – et qu’un second jugement du tribunal administratif de Melun avait rejeté la demande d’annulation de cette décision – la cour administrative d’appel l’a annulée au motif, notamment, que la procédure d’information-consultation était irrégulière dès lors que les deux réunions du CSE d’établissement avaient été espacées de seulement sept jours et non pas quinze jours conformément aux dispositions de l’article L.1233-30 du Code du travail.

 

Il revenait donc au Conseil d’Etat de déterminer si, en cas de modifications du PSE unilatéral suite à l’annulation de la décision d’homologation, l’employeur doit nécessairement reprendre l’intégralité de la procédure d’information et de consultation dans le respect des conditions légales.

 

Solution : la révision du PSE unilatéral n’implique pas nécessairement de reprendre toutes les étapes de la procédure

 

A la question de savoir si l’employeur doit reprendre toute la procédure d’information-consultation, le Conseil d’Etat répond par la négative suivant un raisonnement en deux temps.

 

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat consacre la possibilité pour l’employeur de modifier le PSE unilatéral suite à l’annulation de la décision d’homologation en considérant que : «  lorsque la décision homologuant le document unilatéral fixant le contenu de son plan de sauvegarde de l’emploi a été annulée par une décision juridictionnelle, l’employeur peut soumettre à nouveau à la consultation des instances représentatives du personnel concernées un plan de sauvegarde de l’emploi correspondant à la même opération de restructuration qu’il a engagée, comportant, le cas échéant, des modifications pour répondre au motif d’annulation de la décision ayant homologué son plan initial ».

 

En d’autres termes, le Conseil d’Etat admet la possibilité de modifier le contenu du PSE initial pour corriger les irrégularités relevées par le juge, mais il indique que la version modifiée du PSE unilatéral doit faire l’objet d’une nouvelle information-consultation du CSE.

 

Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat précise les conditions de cette obligation d’information-consultation en énonçant :

 

⇒ D’une part, que « les membres des instances représentatives du personnel concernées doivent alors se voir communiquer tous les éléments d’information utiles dans un délai suffisant afin de leur permettre de formuler leur avis en toute connaissance de cause sur la nouvelle version du plan de sauvegarde de l’emploi» ;

 

⇒ D’autre part, que « l’employeur n’est tenu de reprendre toutes les étapes de la procédure d’information et de consultation de ces instances dans les conditions prévues aux articles L.1233-30 et L.1233-36 du code du travail que dans le cas où les modifications apportées à la version initiale de son plan de sauvegarde de l’emploi revêtent un caractère substantiel».

 

Si la première affirmation correspond à une exigence jurisprudentielle générale et constante du Conseil d’Etat en matière d’information-consultation pour permettre au CSE de rendre un avis en toute connaissance de cause, la seconde conduit à distinguer deux modalités de la procédure d’information-consultation selon que les modifications apportées par l’employeur présentent, ou non, un caractère substantiel :

 

⇒ Lorsque les modifications apportées par l’employeur présentent un tel caractère, l’employeur est tenu de reprendre la procédure d’information-consultation dans son intégralité, dans le strict respect des conditions prévues à l’article L.1233-30 du Code du travail et notamment dans le respect du délai de quinze jours entre deux réunions du CSE ;

 

⇒ A l’inverse, lorsque les modifications apportées ne présentent pas un caractère substantiel, l’employeur peut reprendre la procédure d’information-consultation sans avoir à respecter les délais légaux.

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que les modifications apportées à la version initiale du PSE étaient non substantielles dès lors que, d’une part, les juges du fond avaient relevé uniquement une « erreur de l’administration sur la méthode d’examen de la suffisance du plan » (2) et non pas une insuffisance du plan en lui-même qui aurait nécessité des modifications substantielles et, d’autre part, les modifications apportées, décrites ci-avant, étaient expressément considérées par le Conseil comme « mineures ».

 

La cour administrative d’appel ne pouvait donc considérer que la décision d’homologation de la seconde version du PSE était illégale au motif que les réunions du CSE d’établissement avaient été espacées de sept  jours et non pas quinze jours puisque l’employeur n’était tenu que d’informer-consulter à nouveau le CSE sur les modifications apportées sans obligation de respecter toutes les étapes de la procédure, notamment le délai de quinze  jours entre au moins deux réunions du CSE d’établissement.

 

Portée de la solution : La notion de modification substantielle, une notion clef pour définir la procédure d’information consultation applicable en cas de révision du PSE unilatéral

 

En admettant que l’employeur puisse modifier, dans certaines conditions, son document unilatéral suite à l’annulation en justice d’une décision d’homologation, le Conseil d’Etat consacre une solution pragmatique déjà admise par le législateur au stade du refus d’homologation ou de validation.

 

En effet, dans cette hypothèse, il ressort des articles L.1233-57-7 et D.1233-14-3 al.1 du Code du travail qu’« En cas de décision de refus de validation ou d’homologation, l’employeur, s’il souhaite reprendre son projet, présente une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et consulté le comité social et économique ».

 

Or, la jurisprudence a apporté des précisions sur les modifications susceptibles de justifier la reprise de la procédure d’information consultation du CSE dans son intégralité en cas de refus d’homologation par l’administration.

 

En ce sens, la CAA de Nancy avait déjà admis qu’« il ne résulte pas de ces dispositions qu’à la suite d’un refus d’homologation l’entreprise se trouve dans l’obligation de reprendre la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise dans son intégralité, sauf dans l’hypothèse où elle présenterait un plan entièrement nouveau ou comportant des modifications substantielles ; qu’il lui appartient d’apporter, si elle le souhaite, les modifications nécessaires à son projet initial et de soumettre à nouveau l’accord collectif ou le document unilatéral à ce comité » (CAA de Nancy, 29 oct. 2015, n°15NC01615).

 

De même, dans une autre décision citée par le rapporteur public (3), le Conseil d’Etat avait considéré que « les modifications introduites par l’employeur à la suite du refus d’homologation opposé le 7 mars 2014 revêtaient le caractère de simples modifications du plan de sauvegarde de l’emploi initial et ne conféraient pas au nouveau document le caractère d’un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi ; que, par suite, la première réunion d’information et de consultation du comité d’entreprise doit être regardée comme étant celle convoquée le 9 décembre 2013, qui s’est prolongée avec le même ordre du jour les 11 et 18 décembre 2013, au cours de laquelle l’employeur a soumis au comité, pour la première fois, l’opération projetée ainsi que le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l’emploi (…) » (CE, 23 nov. 2016, n° 388855).

 

Ajoutons que la Cour de cassation, en son temps, avait déjà jugé que « La procédure de consultation doit être entièrement reprise si, le plan initial proposé étant nul, l’employeur est amené à établir un plan social entièrement nouveau » (Cass. soc., 16 avril 1996, nº 94-11.660, V. aussi Cass. soc. 5 avril 2023, n°22-11.366).

 

Ainsi, le Conseil d’Etat aligne manifestement, par la décision commentée, le régime de l’information-consultation du CSE en cas de modifications consécutives à l’annulation par le juge de la décision d’homologation sur celui qui s’applique en cas de refus de l’homologation par l’administration.

 

En effet, que la révision du PSE soit consécutive à un refus d’homologation ou à son annulation par le juge, les notions de modifications « simples » / « substantielles » sont déterminantes pour apprécier dans quelle mesure la procédure d’information-consultation doit être reprise, ou non, dans son intégralité.

 

On comprend, à la lumière de ces décisions et de la présente affaire, qu’une modification « substantielle » imposant une reprise intégrale de la procédure concernerait, notamment, l’hypothèse d’une insuffisance du contenu du PSE conduisant à l’élaboration d’un « nouveau plan », ce que suggère également le rapporteur public dans ses conclusions relatives à la décision commentée (4).

 

Tel ne semble pas être le cas des irrégularités de la procédure d’information-consultation dès lors que les représentants du personnel ont été en mesure de faire connaitre leur opinion (5).

 

Par ailleurs, notons également que, suivant une lecture stricte de la décision du Conseil d’Etat, la solution ne vaut que pour le PSE unilatéral.

 

Il appartiendra au Conseil d’Etat d’apprécier, tout en tenant compte du contrôle administratif allégé sur le PSE conventionnel, si la révision de l’accord de PSE après l’annulation de la décision de validation par l’administration emporte les mêmes conséquences s’agissant de la procédure d’information consultation du CSE.

 

AUTEURS

Astrid Duboys-Fresney, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats

Béatrice Taillardat-Pietri, responsable adjointe de la doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) V. les conclusions du Rapp. public J.-F. Montgolfier, sur cette décision, p. 2.

(2) et (3) V. les conclusions du Rapp. public J.-F. Montgolfier, sur cette décision, p. 5.

(4)   V. les conclusions du Rapp. public J.-F. Montgolfier, sur cette décision, p. 5 où il précise « (…) ainsi que nous l’avons dit, non seulement l’erreur de l’administration sur la méthode d’examen de la suffisance du plan n’entachait pas d’illégalité la décision d’homologation mais elle ne pouvait être assimilée à une insuffisance du plan. En reprenant la procédure au stade où elle avait été considérée comme viciée par le juge, c’est-à-dire au stade de l’homologation, l’employeur ne présentait pas un nouveau plan qui requérait que le CSE fît l’objet d’une consultation complète ».

(5) V. CAA de Nantes, 30 avr. 2015, n°15NT00395 précisant que « (…) les seules modifications substantielles apportées au plan soumis au comité d’entreprise le 11 juillet 2014 par le projet définitif transmis à l’administration le 17 juillet 2014 portaient sur des mesures sur lesquelles les représentants des salariés avaient fait connaître leur opinion (…) ».