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Actualité jurisprudentielle des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)

Actualité jurisprudentielle des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)

Le Conseil d’Etat a rendu récemment deux arrêts importants en matière de PSE, l’un portant sur l’étendue du contrôle de l’administration sur le plan de reclassement qu’il fixe et l’autre sur l’étendue des pouvoirs de l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation du licenciement d’un salarié protégé compris dans un licenciement économique.

Focus sur les principaux apports de ces décisions.

 

Le document unilatéral intégrant le PSE doit identifier tous les postes de reclassement quelle qu’en soit la durée

Pour rappel la loi fait obligation aux entreprises d’au moins 50 salariés qui envisagent de procéder au licenciement de plus de 10 salariés sur une période de 30 jours d’établir, par accord collectif ou, à défaut, par un document unilatéral, un PSE intégrant un plan de reclassement. Ce dispositif doit faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement pourrait être évité dans l’entreprise ou, si celle-ci appartient à un groupe, dans l’ensemble des entreprises du groupe situées sur le territoire national.

Saisie d’une demande d’homologation du document unilatéral portant PSE, il appartient alors à l’administration, de vérifier la conformité de ses modalités d’élaboration et de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables.

Par une décision du 22 juillet 2021 n° 434362, le Conseil d’Etat précise l’étendue du contrôle que doit effectuer l’administration sur les mesures prévues par le plan de reclassement.

Dans cette affaire, la DIRECCTE avait homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE par lequel l’employeur restreignait les offres de reclassement internes aux besoins en personnel d’une durée au moins égale à trois mois.

31 salariés avaient alors formé un recours en annulation de cette décision pour excès de pouvoir. Bien que ces salariés aient été déboutés par le Tribunal administratif, leur demande a été accueillie par la Cour administrative d’appel qui a annulé la décision d’homologation. L’entreprise se pourvoit en cassation.

Après avoir rappelé, conformément à ses décisions antérieures (CE, 22 juillet 2015, n° 383481 ; CE, 7 septembre 2016 n° 394243), « qu’il appartient à l’autorité administrative de s’assurer que le plan de reclassement intégré au PSE est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité », le Conseil d’Etat énonce que « l’employeur doit à cette fin, avoir identifié dans le plan, l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise. En outre, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur seul débiteur de l’obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir à ces postes ». Il rappelle enfin que pour l’ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l’employeur doit indiquer dans le plan, leur nombre, leur nature et leur localisation.

 

Ainsi, pour la première fois, le Conseil d’Etat précise qu’un PSE doit identifier l’ensemble des postes disponibles pour un reclassement interne, peu important qu’ils soient, le cas échéant, d’une durée limitée.

 

Néanmoins dans l’affaire en cause, le Conseil d’Etat juge que la circonstance que l’accord ait limité les possibilités de reclassement aux besoins en personnel d’une durée supérieure à trois mois n’est pas de nature à entacher le plan d’insuffisance.

En effet, le PSE prévoyait par ailleurs d’autres mesures en faveur du reclassement des salariés, telles que la mise en place d’une antenne emploi et d’aides financières à la formation, à la recherche d’emploi et à la mobilité géographique, ainsi que des aides à la création d’entreprise.

Il juge ainsi que « prises dans leur ensemble, les mesures prévues par le plan sont propres à satisfaire les objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, compte tenu des moyens dont disposaient à la date de la décision d’homologation, l’entreprise et le groupe auquel elle appartient ». Il n’y a donc pas lieu d’annuler la décision d’homologation sur ce fondement.

Cette décision est cohérente par rapport à celles de la chambre sociale de la Cour de cassation à laquelle il appartient d’apprécier si le licenciement économique du salarié est justifié, notamment au regard des efforts effectués par l’employeur pour le reclasser.

Celle-ci juge en effet que, dans le cadre de sa recherche de reclassement, l’employeur doit proposer tous les postes compatibles avec la qualification du salarié, y compris lorsqu’il s’agit de contrats à durée déterminée et peu important qu’il s’agisse d’emplois correspondant à un surcroît temporaire d’activité (Cass. soc., 29 janvier 2002, n° 00-41.885).

 

Saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail ne peut modifier le périmètre de reclassement fixé par le PSE

L’arrêt du Conseil d’Etat, en date du 22 juillet 2021 concerne la répartition des compétences administratives en matière de licenciement d’un salarié protégé et des compétences juridictionnelles en matière de reclassement (CE, 22 Juillet 2021, n° 427004).

Le premier aspect concerne la répartition des compétences administratives en matière de licenciement d’un salarié protégé dans le cadre d’une opération de PSE : comment s’articulent les compétences de l’inspecteur du travail pour autoriser le licenciement du salarié protégé et du DIRECCTE pour homologuer ou approuver le PSE ?

Lors de la mise en œuvre de la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi, il y a eu une tentation chez les inspecteurs du travail de s’ériger en juges, à travers l’autorisation individuelle de licenciement d’un salarié protégé, de la légalité de l’opération de PSE, et donc de la légalité de la décision du DIRECCTE d’homologation ou de validation du PSE, et ceci d’autant plus que l’inspecteur est compétent pour apprécier la réalité du motif économique du licenciement du salarié protégé.

Le Conseil d’Etat a très vite coupé court à cette tentation en jugeant « que, lorsque le licenciement pour motif économique d’un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à l’inspecteur du travail saisi de la demande d’autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s’assurer de l’existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d’une décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, à défaut de laquelle l’autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée ; qu’en revanche, dans le cadre de l’examen de cette demande, il n’appartient à ces autorités ni d’apprécier la validité du plan de sauvegarde de l’emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L.1233-57-2 et L.1233–57–3 du Code du travail, qui n’incombent qu’au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d’homologation du plan » (CE, 19 juillet 2017, n° 391849).

L’inspecteur du travail ne saurait donc se substituer au DIRECCTE pour apprécier le contenu du PSE ou la régularité de la procédure.

Cette solution est reprise mot pour mot par le considérant 4 de l’arrêt du 22 juillet 2021.

La novation de l’arrêt est de compléter ce considérant par la phrase suivante : « il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l’emploi pour apprécier s’il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé ».

En l’espèce, le périmètre de reclassement interne arrêté dans le document unilatéral fixant le PSE de la clinique Paris Montmartre n’incluait pas la société Kapa Santé dans la mesure où l’intégralité des parts sociales de la clinique, qui étaient détenues depuis 2009 par la société Kapa Santé, avaient été acquises le 6 janvier 2015 par la société INA.

 

Cette décision est très claire : le périmètre du groupe du reclassement fixé par le PSE ne peut être remis en cause par l’inspecteur du travail dans le cadre de son appréciation des efforts individuels de reclassement du salarié protégé par l’employeur.

 

Cette solution ne vaut pas que pour les salariés protégés : elle vaut également pour les salariés ordinaires dans le cadre de l’appréciation, qui relève de la compétence des tribunaux judiciaires, de leurs efforts individuels de reclassement.

Cette solution est d’autant plus importante que la Cour de cassation avait, un moment, semblé vouloir s’engager dans un contrôle du périmètre de reclassement indépendant du périmètre fixé par le PSE.

Dans une décision du 21 novembre 2018, la Cour de cassation a posé un principe très clair de répartition des compétences : « Si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l’employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au PSE » (Cass. soc. 21 novembre 2018, n° 17-16.766).

Il s’agissait, dans cette affaire, d’une association placée en redressement judiciaire, dont le PSE, homologué par la DIRECCTE, excluait le reclassement dans les autres sociétés du groupe dans la mesure où il estimait qu’une association ne peut appartenir à un groupe.

La Cour d’appel avait estimé que, tant en raison de l’insuffisance du PSE, qui ne pouvait exclure la recherche d’un reclassement à l’intérieur du groupe au motif qu’il s’agissait d’une association, que de l’absence de recherche individualisée, sérieuse et loyale de reclassement, les licenciements des salariés concernés devaient être regardés sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation n’a censuré cette motivation que sur le fondement de l’insuffisance du PSE, alors que le contrôle du contenu de ce plan relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative.

La note explicative jointe à l’arrêt donne de celui-ci une interprétation très restrictive selon laquelle :

 

    • la chambre sociale a censuré l’analyse de la Cour d’appel en considérant qu’elle a méconnu l’article L. 1235-7-1 du Code du travail puisqu’elle a apprécié le contenu du PSE qu’elle a jugé insuffisant.
    • en revanche, s’agissant des autres questions posées par le pourvoi, l’arrêt réaffirme les pouvoirs du juge prud’homal quant au contrôle de l’obligation individuelle de reclassement : « rappelons à cet égard qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le licenciement économique d’un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont il relève n’est pas possible, il appartient à l’employeur, même lorsqu’un plan social a été établi, de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, au sein du groupe ».

 

Cette interprétation s’écarte du principe, pourtant posé par l’arrêt, de l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le PSE.

L’arrêt du Conseil d’État est donc un arrêt important : dans le domaine sensible de l’obligation de reclassement où coexistent une compétence administrative et une compétence judiciaire importante, il fait prévaloir, au-delà de la répartition des compétences entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, la notion d’autorité de la chose décidée : ni l’inspecteur du travail, ni les tribunaux judiciaires ne peuvent remettre en cause les points tranchés par la décision administrative d’homologation ou d’approbation, même en ce qui concerne le périmètre de reclassement.

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