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Consultation sur la politique sociale de l’entreprise : précisions sur les prérogatives de l’expert-comptable

Consultation sur la politique sociale de l’entreprise : précisions sur les prérogatives de l’expert-comptable

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est consulté périodiquement sur la situation économique de l’entreprise, ses orientations stratégiques et sa politique sociale. Pour l’assister dans le cadre de ces consultations, le CSE a la faculté de recourir à un expert-comptable financé par l’employeur.

 

Par une récente décision (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 21-23.393), la Cour de cassation a précisé l’étendue de la mission de l’expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la situation économique de l’entreprise (1).

 

La Cour a ainsi retenu que la mission de l’expert :

 

    • peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe en s’appuyant sur les dispositions légales qui donnent, à l’expert-comptable, un accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes (C. trav., art. L.2315-90) ce dont il résulte qu’il est fondé à réclamer la communication de documents concernant les autres sociétés du groupe auquel appartient l’entreprise ;
    • est limitée à l’année qui fait l’objet de la consultation et aux deux années qui la précèdent de sorte que l’expert-comptable ne peut exiger la transmission de documents que pour autant qu’ils se rapportent à ces périodes

 

Une nouvelle décision, rendue le 28 juin 2023 par la Cour de cassation (Cass. soc., 28 juin 2023, n°22-10.293), apporte des précisions inédites sur l’étendue des prérogatives de l’expert-comptable dans le cadre de la consultation du CSE sur la politique sociale de l’entreprise et notamment sur sa faculté d’ auditionner les salariés.

 

L’objet du litige

 

Dans l’affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation, le CSE d’une entreprise avait décidé de recourir à une expertise dans le cadre, d’une part, de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise et de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

 

La lettre de mission portant sur les modalités d’intervention de l’expert-comptable au titre de la consultation relative à la politique sociale portait limitativement sur les conditions de travail et prévoyait exclusivement la réalisation d’entretiens de 1h30 chacun auprès de 25 salariés, soit un total de cinq entretiens sur cinq à six jours.

 

S’opposant à ces entretiens, l’employeur a saisi le tribunal judiciaire d’une contestation portant sur le taux journalier et le coût prévisionnel de l’expertise ainsi que la durée de celle-ci.

 

Pas d’audition des salariés sans accord de l’employeur

 

Lorsqu’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise, l’employeur doit saisir le tribunal judiciaire dans un délai de 10 jours à compter de la notification qui lui en a été faite par l’expert-comptable (Cass. soc., 17 mai 2023, n°22-11.771).

 

Le tribunal judiciaire, saisi par l’employeur, ayant fait droit à ses demandes, l’expert-comptable et le CSE se sont pourvus en cassation.

 

L’expert-comptable reprochait notamment au tribunal d’avoir rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à l’employeur de lui permettre de conduire des entretiens avec les salariés, alors que selon les dispositions du Code du travail, l’expert-comptable a libre accès à l’entreprise pour les besoins de sa mission et détermine seul les éléments qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission.

 

Réduction corrélative de la durée et du coût prévisionnel de l’expertise

 

Après avoir rappelé les principes de libre accès de l’expert à l’entreprise (C. trav. art. L.2315-82) et l’obligation pour l’employeur de lui fournir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission (C. trav. art. L.2315-83), la Cour de cassation décide qu’il résulte de ces dispositions que si l’expert-comptable considère que l’audition de certains salariés dans l’entreprise est utile à l’exercice de sa mission, il ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.

 

Ainsi, selon les hauts magistrats, si l’expert-comptable peut librement déterminer la liste des documents qu’il juge utiles à l’exercice de sa mission, cette liberté ne s’étend pas à l’audition de salariés à laquelle il ne peut recourir discrétionnairement.

 

La Cour de cassation approuve donc le tribunal judiciaire d’avoir décidé de rejeter la demande de l’expert-comptable tendant à ce qu’il soit enjoint à l’employeur de de lui permettre de tenir ces entretiens de sorte que le nombre de jours prévus pour l’expertise doit être réduit.

 

C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation pose le principe selon lequel l’audition de salariés dans le cadre d’une expertise diligentée par le CSE est subordonnée à l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.

 

En l’espèce, il s’agissait d’une expertise diligentée dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise et on peut se demander si cette solution restera limitée à cette consultation ou si elle sera étendue à tous les autres cas de recours à l’expertise et notamment en cas de recours à une expertise pour risque grave.

 

Il appartiendra au juge de préciser à l’avenir l’étendue de cette décision.

 

A LIRE ÉGALEMENT

(1) Etendue de la mission de l’expert-comptable du CSE lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise (Damien Decolasse, Avocat associé et Matthieu Beaumont, Avocat)

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