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La dette dans les opérations de fusion-acquisition : principes généraux et application aux salariés

La dette dans les opérations de fusion-acquisition : principes généraux et application aux salariés

Les opérations de fusion-acquisition posent la question de la charge des dettes générées par le cédant.

Des mécanismes contractuels peuvent être mis en place pour régler en amont leur répartition entre cédant et cessionnaire. Des dispositions particulières sont prévues s’agissant des dettes de nature salariale.

 

Dettes, garanties de passif et indemnités spécifiques

La garantie de passif est un mécanisme de protection du prix et lui est donc intimement liée.

L’un des enjeux importants de la différence entre prix et garantie de passif consiste ainsi en la frontière entre les dettes qui ont vocation à être comptabilisées dans le prix, généralement via la dette nette ou le fonds de roulement, et celles qui ne peuvent être couvertes par le prix et doivent entrer dans le champ de la garantie ou d’indemnisations spécifiques.

 

A noter bien entendu qu’en fonction des modalités de valorisation de la cible, les dettes non financières peuvent tout à fait ne pas être couvertes par le prix.

 

La question de la couverture en garantie de ces dettes se limite alors à celles affectées d’un risque de recouvrement ou aux dettes relatives à des risques couverts par la garantie, soit généralement des risques sortant du cours normal des affaires, sachant que les garanties ne se limitent pas nécessairement à la couverture de circonstances trouvant leur traduction en des dettes.

Lorsque le prix couvre les dettes non financières et en particulier lorsqu’il intègre une valorisation du fonds de roulement, il n’est pas non plus naturel que la garantie traite des dettes, sauf là encore celles affectées d’un risque de recouvrement ou relatives à des risques couverts par la garantie.

 

Nous ne ferons référence, ci-après, qu’aux dettes ayant vocation à être couvertes par la garantie, qui peuvent néanmoins être intégrées au prix selon le cas.

 

Une dette certaine liquide et exigible ne pose pas de difficulté et doit être prise en compte dans la dette nette et donc dans le prix, sauf à ce qu’elle soit exigible depuis une durée telle que son recouvrement soit affecté d’un risque plus ou moins élevé.

 

La question est plus délicate si au moins l’une des trois caractéristiques susvisées vient à manquer, et différentes hypothèses doivent être distinguées.

 

Si une dette est liquide et certaine mais pas encore exigible, il semble assez naturel de la comptabiliser dans le prix sauf à ce que son exigibilité soit affectée d’une incertitude suffisamment significative.

 

Si en revanche, une dette n’est pas certaine, il semble moins évident de la comptabiliser dans la dette nette (et donc le prix) sauf à ce que sa probabilité d’occurrence soit très élevée. Elle aura alors tendance à entrer dans le champ de la garantie.

 

De même, si une dette n’est pas liquide, il est encore une fois moins évident de la comptabiliser dans la dette nette (et donc le prix) sauf à ce qu’il soit possible de la forfaitiser. Elle aura alors aussi tendance à entrer dans le champ de la garantie.

 

Le traitement en garantie fait beaucoup moins de doute dès lors que deux des trois caractéristiques d’une créance certaine, liquide et exigible viennent à manquer, sauf dans certains cas très particuliers à discuter au cas par cas.

 

En fonction du niveau d’incertitude, la question peut se poser de traiter certaines créances ne pouvant entrer dans le prix via des indemnités spécifiques.

 

Le traitement en garantie peut imposer de prévoir les modalités de gestion des éventuelles discussions ou litiges avec les créanciers tiers.

Les créances et dettes avec le groupe vendeur sont quant à elles généralement soldées au jour de la vente, sauf à ce que le groupe vendeur et la société cédée continuent à avoir des relations d’affaires soutenues, auquel cas ce sujet devra être traité par les accords.

 

Le cas particulier des dettes salariales

Les mécanismes indemnitaires décrits ci-dessus ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des dettes sociales.

Toutefois, à défaut de dispositions contractuelles particulières, des règles supplétives sont prévues en cas de transfert d’entreprise au sens de l’article L.1224-1 du Code du travail (hypothèse de fusion et cession de fonds notamment).

 

Principes applicables

– Dettes nées avant le transfert

 

En cas de transfert d’entreprise, l’article L.1224-2 du Code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés transférés, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date du transfert.

 

Le cédant rembourse les sommes acquittées par le cessionnaire qui se rapportent à une période antérieure à la réalisation de l’opération, sauf s’il a été tenu compte de cette charge dans leurs accords. A titre d’illustration, des salaires échus avant le transfert mais demeurés impayés sont à la charge du nouvel employeur, sous réserve de l’action en remboursement exercée par celui-ci contre le premier employeur.

 

Le salarié est en droit, dans ces conditions, de n’assigner que le dernier employeur – même s’il peut aussi agir contre son ancien employeur – et le litige quant à la répartition de la dette entre les employeurs successifs ne lui est pas opposable (CA Paris 29 avril 1997, n° 96-38.989).

 

De même, le nouvel employeur ne peut pas limiter le calcul de l’indemnité de congés payés due au salarié à la période pendant laquelle il était à son service : il doit inclure la période antérieure au transfert.

 

– Dettes nées après le transfert

 

Les dettes nées après l’opération doivent être supportées par le nouvel employeur : le cessionnaire est seul tenu aux dettes nées après la date du transfert (Soc. 27 mai 2020, n° 19-12.471).

 

A titre d’exemple, le paiement d’une prime de fin d’année, dette née après l’opération, incombe en totalité au nouvel employeur (Soc. 5 novembre 1987, n° 85-46.152).

 

Les indemnités de rupture du contrat sont quant à elles dues par l’employeur à l’initiative de la rupture (Soc. 29 juin 2017, n° 15-21.672).

 

Ces règles s’appliquent à tous les transferts d’entreprise entrant dans le champ d’application de l’article L.1224-1. Par exception, elles ne s’appliquent pas en cas :

 

    • de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;
    • de substitution d’employeurs intervenant sans qu’il y ait de convention entre eux. Ainsi, en cas de succession de concessionnaires ou de prestataires de services, les dettes ne sont pas automatiquement transférées au nouvel employeur.

 

De même, dans un arrêt du 23 mars 2022 (n° 20-21.518), la Cour de cassation a rappelé qu’une convention tripartite de transfert conclue entre un salarié et ses deux employeurs successifs organisant la poursuite du contrat de travail hors application de l’article L.1224-1, ne permettait pas au salarié d’agir contre son nouvel employeur pour des demandes relevant de manquements de l’ancien employeur.

 

Portée des clauses contractuelles à l’égard des salariés

Par exception prévue par l’article L.1224-2 du Code du travail, l’ancien employeur n’est pas tenu de rembourser les sommes acquittées par le nouvel employeur au titre d’obligations lui incombant s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations par un mécanisme contractuel entre ces employeurs.

 

Ces conventions sont valables et doivent être exécutées. Toutefois, elles ne jouent que dans les rapports entre employeurs ; elles sont inopposables aux salariés et ne portent donc pas atteinte à leur droit de demander le paiement des créances nées antérieurement au transfert à l’un ou l’autre des employeurs successifs, selon leur convenance.

 

Article publié dans La lettre des FUSIONS-ACQUISITIONS ET DU PRIVATE EQUITY Supplément du numéro 1661 du 27 juin 2022

 

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