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Le transfert du traitement administratif d’un salarié à un autre site emportant cessation des mandats syndicaux constitue-t-il une modification du contrat de travail ?

Le transfert du traitement administratif d’un salarié à un autre site emportant cessation des mandats syndicaux constitue-t-il une modification du contrat de travail ?

Le simple transfert du traitement administratif – en particulier de la paie – d’une agence à une autre d’un salarié exerçant plusieurs mandats syndicaux, qui emporte cessation desdits mandats en application d’un accord collectif, constitue-t-il une modification du contrat de travail, ou même un simple changement des conditions de travail ? Le salarié peut-il solliciter en référé sa réintégration ainsi que l’octroi d’une provision sur des dommages et intérêts ?

 

A l’occasion d’une longue bataille judiciaire (audience de référé du CPH de Martigues ; audience de référé départage du même CPH ; audience auprès de la CA d’Aix en Provence) le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats qui a suivi cette affaire, a soutenu qu’il y avait lieu de répondre par la négative à ces questions.

Il a systématiquement obtenu gain de cause auprès des différentes juridictions précitées à tous les stades de cette bataille judiciaire.

L’arrêt rendu le 24 novembre 2021 par la Cour de Cassation, qui a rejeté le pourvoi en cassation formé par le salarié par un arrêt non spécialement motivé, constitue la consécration de la thèse défendue par le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats.

 

Les faits de cette affaire étaient les suivants

Un salarié, relevant de l’Agence de Vitrolles occupait les fonctions de Chef de Poste sur le site de Storengy (situé à Manosque).

Par courriers en date du 15 juin 2018, le syndicat UNSA a procédé à la désignation de ce salarié en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au CSE.

Le salarié a par ailleurs, lors des élections intervenues au sein de l’agence de Vitrolles, présenté sa candidature aux élections des membres titulaires du CSE dudit établissement. Il n’a cependant pas été élu.

Le 6 novembre 2018 a été conclu un accord collectif relatif à l’adaptation du dialogue social et au fonctionnement du CSE central et des CSE d’établissement qui stipulait que « en cas de transfert partiel ou total d’activité ou d’effectif d’un établissement vers un autre établissement, les salariés transférés. seront rattachés au CSE du nouvel établissement de rattachement. Par exception, seuls les salariés transférés ayant un mandat d’élu titulaire au CSE conserveront leur mandat (…). Cet accord s’impose aux organisations syndicales comme à l’employeur. »

Le 20 novembre 2018, le Directeur d’Agence a informé et consulté le CSE de l’Agence de Vitrolles sur le projet de transfert administratif des sites relevant de l’agence de Vitrolles vers l’agence d’Aix en Provence.

La note remise aux membres du CSE à cette occasion faisait mention non pas d’un déménagement ou d’un transfert physique des salariés de l’Agence de Vitrolles vers celle d’Aix, mais d’un « transfert administratif de sites » de l’agence de Vitrolles vers celle d’Aix ou d’un « changement administratif de quelques sites ».

La note transmise aux membres du CSE faisait également ressortir que « (…) pour l’ensemble du personnel d’exploitation affecté sur site, il s’agirait d’un simple changement de lieu de paye ; le lieu de travail restant inchangé, tout comme les horaires, les coefficients ou les éléments de rémunération, ce changement n’emporterait aucune modification de leur contrat de travail ou encore de leur condition de travail (…) ».

Il n’était donc porté aux salariés qui avaient vocation à être concernés par le transfert administratif de leur site d’affectation de l’Agence de Vitrolles vers l’agence d’Aix en Provence ni une modification de leur contrat de travail, ni une modification de leurs conditions de travail.

Le transfert administratif s’analysait, comme mentionné ci-avant, comme un simple changement de lieu de paye. Ainsi, sur les bulletins de paie des salariés concernés, il était fait mention non plus de l’Agence de Vitrolles, mais de celle d’Aix.

 

Aucun autre impact n’a été observé pour les salariés :

 

    • ils ont continué à travailler au même endroit,
    • ils ont continué à travailler dans les mêmes conditions en termes de lieu de travail, d’horaires de travail, de fonctions, de missions,
    • ils ont continué à percevoir la même rémunération que précédemment,

 

Toutefois, en application de l’accord collectif précité, ce transfert administratif a emporté la cessation des mandats syndicaux exercés par le salarié.

 

Le salarié a saisi la formation de référé du CPH de Martigues aux fins de solliciter sa réintégration sur l’Agence de Vitrolles ainsi que l’octroi de dommages et intérêts.

Aux termes d’une ordonnance en date du 27 septembre 2019, la formation de référé – départage du CPH de Martigues a dit n’y avoir lieu à référé.

En effet, elle a jugé sérieuse la contestation de la société défenderesse qui soutenait à juste titre qu’un transfert soumis à l’article L.1224-1 du Code du travail ne s’appliquait pas puisque, d’une part, elle était restée l’employeur du salarié et que, d’autre part, ce dernier n’avait subi aucune modification de son contrat ou de ses conditions de travail en termes de lieu, d’horaires, de fonctions ou de rémunération. Seul le lieu d’édition des bulletins de paie ayant changé.

En outre, le salarié ne démontrait pas l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite justifiant ses demandes. En effet, ses mandats syndicaux ont disparu en application de l’accord collectif précité.

C’est donc en conséquence du transfert et en application de l’accord collectif que les mandats syndicaux du salarié ont disparu.

 

Le salarié a relevé appel de cette ordonnance.

Aux termes d’un arrêt en date du 13 mars 2020, la Cour d’Appel d’Aix en Provence a confirmé l’ordonnance de référé départage.

Le salarié soutenait que son transfert et la suppression de ses mandats syndicaux qui en a résulté constituaient le motif d’urgence ne se heurtant à aucune contestation sérieuse et causant un trouble manifestement illicite fondant sa demande de réintégration.

L’employeur a soulevé, à bon droit, le caractère sérieusement contestable des demandes du salarié.
En effet, si ce dernier se prévalait des dispositions de l’article L 1224-1 du Code du travail et, partant, de celles de l’article L 2134-35 du même code, en l’espèce aucune modification dans la situation juridique de l’employeur telle que mentionnée à l’article 1224-1 n’est intervenue.

L’inspection du travail a par ailleurs confirmé par courrier au salarié que son autorisation préalable n’était pas nécessaire puisque le « transfert administratif » en cause ne constituait pas un transfert au sens de l’article L.1224-1 du Code du travail.

Ce transfert administratif n’a eu que pour seule conséquence un simple changement d’en-tête sur ses plannings et bulletin de paie.

Il n’y a donc eu aucune modification du contrat de travail ni même des conditions de travail du salarié.

Ce transfert administratif ne causait pas non plus un trouble manifestement illicite au salarié qui n’a subi aucun changement dans son travail, du seul fait que son accord n’aurait pas été obtenu par l’employeur.

En outre, c’est à bon droit que le mandat syndical du salarié est tombé. L’accord collectif relatif à l’adaptation du dialogue social et au fonctionnement du comité social et économique central et des comités sociaux et économiques d’établissement qui s’impose à l’employeur prévoyant dans un tel cas la cessation du mandat.

Or du fait des dispositions de cet accord collectif, le salarié n’étant pas un salarié élu mais désigné, son mandat est de fait tombé.

Enfin, si la contestation sérieuse ne faisait pas obstacle à ce que soient prescrites les mesures de remise en état qui s’imposaient pour faire cesser un trouble manifestement illicite, il ne pouvait être utilement soutenu que le respect de cet accord collectif licite, faute d’avoir été attaqué devant la juridiction compétente, constituait un trouble manifestement illicite.

La formation de référé départage du CPH de Martigues comme la Cour d’Appel d’Aix en Provence, ont donc considéré, comme elles y étaient invitées par le cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, que l’opération mise en œuvre ne s’analysait ni en une modification contrat de travail, ni en un changement des conditions de travail.

Cela ajouté aux dispositions de l’accord collectif, la société n’était pas tenue d’obtenir l’accord du salarié, quand même bien celui-ci se voyait priver de ses mandats syndicaux en application de l’accord collectif.

 

Le salarié a formé un pourvoi en cassation.

Le conseiller rapporteur à la Cour de Cassation a conclu au rejet non spécialement motivé du pourvoi.

Aux termes d’un arrêt rendu le 24 novembre 2021, la Cour de Cassation a estimé que les moyens de cassation annexés, qui étaient invoqués à l’encontre de la décision attaquée, n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Elle a donc, en application de l’article 1014, alinéa 1, du Code de procédure civile, estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

Le pourvoi a donc été rejeté.

 

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