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Les budgets des comités d’entreprise

L’actualité est riche sur le sujet des budgets du comité d’entreprise, tant sur leurs ressources que sur leurs dépenses.

Les ressources des comités d’entreprise

Alors que les textes en la matière sont particulièrement anciens (1949 pour la contribution aux activités sociales et culturelles qui est assise, selon l’article L.2323-86 du code du Travail, sur « le montant global des salaires payés », puis 1982 pour la subvention de fonctionnement assise aux termes de l’article L.2325-43 sur « la masse salariale brute »), de nombreux comités, souvent sur la suggestion de leurs experts-comptables, tentent d’augmenter leurs ressources en remettant en cause le montant des budgets versés.

La question centrale est celle de l’assiette à retenir, dont chacun admet aujourd’hui qu’elle est commune à ces deux budgets. Selon les comités demandeurs, qui invoquent des arrêts du 9 novembre 2005 et du 30 mars 2011, c’est l’assiette comptable qui s’imposerait, par référence au compte 641.

Il est tout d’abord curieux d’écarter une notion juridique aussi bien établie que celle de salaires pour lui substituer une notion comptable, la « Rémunération du personnel et des dirigeants », qui n’a pas été instituée à cet effet. Il en résulterait quelques aberrations, notamment de prendre en compte des indemnités de rupture, voire des provisions comptables, en lieu et place de salaires payés. Inversement, des éléments dont le caractère salarial est acquis devraient être exclus car relevant d’un autre compte (ainsi des indemnités de congés payés du BTP). Notons aussi que, en comptabilité comme en droit, les qualifications ne sont pas nécessairement tranchées et que la pratique peut varier selon les entreprises.

Certes, le tribunal de grande instance de Paris (cf. ci-dessous) vient d’affirmer que l’argument, selon lequel des opérations identiques peuvent figurer sur des comptes différents selon les entreprises, est inopérant, ces dernières devant respecter les règles du Plan Général Comptable… mais c’est nier la complexité desdites règles comptables.

Il sera ensuite relevé que les deux arrêts susvisés de 2005 et de 2011 ont une portée relative car ils sont de rejet et non publiés, ce qui peut, au demeurant, se justifier par la spécificité des faits de l’espèce, puisque le litige portait sur des indemnités versées dans le cadre d’une mise en disponibilité, avec suspension du contrat de travail et aucunement sur des indemnités de rupture, souvent source des discussions.

C’est pourquoi, si certaines juridictions renoncent à toute analyse juridique pour appliquer ce qu’on leur présente comme la doctrine de la Cour de cassation, d’autres y regardent à deux fois et continuent à débouter les comités demandeurs. Les juges du fond semblent ainsi avoir bien du mal à prendre à cet égard une position harmonisée, comme en atteste la divergence de vue entre les juridictions retenant la référence au Compte 641 [tribunal de grande instance de Bobigny (7 décembre 2012) et de Paris (17 septembre 2013)] et celles l’écartant expressément [arrêt de la cour d’appel de Versailles (13 novembre 2012) et ordonnance en référé du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône (23 juillet 2013)]. On le voit, il aurait sans doute été préférable de retenir une assiette validée par une instance tierce, comme l’assiette fiscale ou sociale de la DADS, car cette saga juridique n’est toujours pas terminée.

Ce sujet mériterait donc d’être tranché dans un arrêt de principe publié de la Cour de cassation.

Les dépenses des comités d’entreprise

Erreurs de gestion, comptes dans le rouge, irrégularités… Les comités d’entreprise ne sont pas immunisés contre ces dérives, qui sont susceptibles de prendre plus d’ampleur avec la taille de leurs ressources. Si certains rapports de la Cour des comptes ont fait ressortir des anomalies flagrantes dans le secteur public, praticiens et juges en rencontrent aussi dans des entreprises privées.

Le principe légitime de défense de l’indépendance des comités a trop souvent été instrumentalisé pour s’opposer à tout « contrôle patronal » de leurs dépenses, voire à toute transparence. Le rapport n°14 (2013-2014) de Mme C. Procaccia au Sénat relevait en outre que « certains lanceurs d’alerte rencontrent de très grandes difficultés après avoir dénoncé les agissements de certains comités d’entreprise, ce qui plaide pour un renforcement de leur protection ». Bien souvent, les abus ne peuvent être établis qu’à l’occasion d’un changement de majorité.

Conscients de ce que le manque de transparence porte préjudice à tous, les partenaires sociaux ont fini par parvenir à des propositions qui devraient prochainement être transcrites dans la loi sur la « formation » (la proposition de loi sur ce thème déposée par l’UMP et votée au Sénat le 10 octobre 2013 ayant peu de chance d’être approuvée à l’Assemblée nationale). Les CE devraient ainsi être contraints de tenir une comptabilité, avec des exigences croissantes en fonction de leur niveau de ressources et, pour les plus importants, la faire certifier par un commissaire aux comptes.

Il faut aussi mettre fin à certaines pratiques consistant à refuser l’information sur la comptabilité, notamment au Président du Comité. La Cour de cassation a ainsi condamné le trésorier et le secrétaire d’un comité à transmettre les informations sous astreinte au Président et à le laisser effectuer à ses frais des copies desdits documents (Cass. Soc. 26 septembre 2012).

Huit syndicats ont par ailleurs été sévèrement condamnés par le tribunal correctionnel de Lyon, le 26 septembre 2013, pour avoir utilisé le budget de fonctionnement d’un comité d’établissement pour financer leurs propres activités.

Si l’on y ajoute la condamnation répétée par les juges de transferts de fonds du budget de fonctionnement à celui des ASC alors que la gestion de ces deux budgets doit resrer étanche, on peut penser que le budget de fonctionnement serait mieux utilisé dans le cadre d’une responsabilisation des comités, par exemple dans le coût des expertises auxquelles ils recourent. L’article L.2323-7-1 montre la voie en prévoyant que le comité devra partiellement financer la nouvelle expertise sur les orientations stratégiques (à hauteur de 20%,dans la limite du tiers de son budget annuel). Idée à suivre et à poursuivre.

A propos de l’auteur

Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social

 

Article parue dans la revue Décideurs de Novembre 2013

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