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Notification du licenciement : l’employeur doit-il obligatoirement mentionner la faculté pour le salarié de demander des précisions sur le motif de licenciement ?

Notification du licenciement : l’employeur doit-il obligatoirement mentionner la faculté pour le salarié de demander des précisions sur le motif de licenciement ?

La notification du licenciement d’un salarié doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur (Article L. 1232-6 du Code du travail).

 

Anticipant les éventuelles carences de la notification et/ou les incompréhensions des salariés licenciés, il est précisé que «Dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.» (Article R.1232-13 du Code du travail).

 

Cette formulation, ajoutée à des modèles de lettre de licenciement issus d’un décret du 29 décembre 2017 mentionnant expressément cette faculté, a conduit certains auteurs à s’interroger sur l’obligation ou non pour l’employeur de rappeler dans la lettre de notification du licenciement que le salarié peut demander des précisions.

 

Le 29 juin 2022, la Chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé, pour la première fois, le caractère facultatif de cette mention (Cass. soc., 29 juin 2022, n°20-22.220), étant précisé que cette procédure ne concerne pas, en tout état de cause, les sanctions disciplinaires autres que le licenciement.

 

La portée de l’arrêt en matière de contenu de la notification du licenciement

L’article L. 1235-2 du Code du travail dispose qu’une procédure de licenciement irrégulière impose à l’employeur de verser au salarié une indemnité qui ne peut cependant être supérieure à un mois de salaire.

 

Par conséquent, le respect des mentions «obligatoires», est essentiel à toutes les étapes de la procédure de licenciement pour éviter à l’employeur de devoir allouer des dommages et intérêts pour vice de procédure.

 

L’arrêt du 29 juin 2022 dissipe les doutes qui pouvait exister en matière d’information du salarié sur la faculté de demander des précisions quant au motif de son licenciement.

 

L’employeur doit respecter la loi, et rien que la loi lorsqu’elle est claire, c’est la position de la Cour de cassation qui a relevé qu’aucune disposition n’impose à ce dernier d’informer le salarié de ce droit.

 

La haute Juridiction rejoint ainsi la position ministérielle antérieure (1) et celle déjà prise par le Conseil d’Etat qui, à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir, énonçait que :

 

«… le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d’ incompétence négative pour n’avoir pas prévu que l’employeur doit informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ne peut qu’être écarté.» (CE. 4ème, 1ère Ch. réunies, 06 mai 2019, n°417299)

 

Par cette décision, la Cour de cassation n’a pas suivi l’avis de l’Avocate générale qui préconisait que, dans cette hypothèse, l’insuffisance éventuelle de motivation soit alors sanctionnée par la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse. Les juridictions du fond, elles, appliquent à la lettre, l’article L.1235-2 du Code du travail selon que le salarié a effectué, ou non, une demande de précision :

 

Dans l’hypothèse où un salarié a sollicité telle une demande de précision, «la seule» insuffisance de motivation prive le licenciement de sa cause réelle et sérieuse (2). Peu importe donc que les faits énoncés dans la lettre de licenciement puissent être matériellement établis.

 

A l’inverse, si un salarié n’a formulé aucune demande de précision, «la seule» insuffisance de motivation ne permet pas, en soit, de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (3).

 

Dans pareille situation le salarié ne pourra effectuer qu’une demande de dommages-intérêts ne pouvant excéder un mois de salaire (4).

 

En revanche, même en l’absence de demande de précision, la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse reste possible, sous réserve, pour le salarié, de prouver l’absence de matérialité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement.

 

DRH, entrepreneurs, et autres directions juridiques peuvent donc être rassurés : les modèles de lettre de licenciement sans référence à cette faculté n’ont pas besoin d’être mis à jour.

 

En outre, cette solution a le mérite de sécuriser les procédures de licenciement et de ne pas encombrer les tribunaux de demandes dilatoires de salariés mécontents de s’être vus licenciés.

 

Néanmoins, quelques interrogations demeurent quant à cette procédure de demande de précisions :

 

    • A partir de quand le délai de 15 jours (a priori calendaires) commence-t-il à courir ? Le texte vise en effet la notification du licenciement mais s’agit-il de l’envoi, de la première présentation ou de la réception de la lettre ?
    • A partir de quand se décompte le délai de 12 mois de contestation du motif de licenciement ? L’article vise aussi la notification du licenciement : mais qu’en est-il si une seconde lettre vient préciser les motifs ?

 

Sur ces deux points le Questions-Réponses du ministère du Travail précise d’une part, que le délai pour préciser le motif de licenciement court à compter de la réception de la lettre de licenciement d’autre part que le délai de contestation du licenciement court à partir de la seconde lettre.

 

Celui-ci n’ayant qu’une portée très limitée et dans l’attente d’une position jurisprudentielle claire sur ces deux questions, il semble prudent d’apporter le plus de précisions possibles, quant au motif de licenciement du salarié, dès le stade de l’élaboration de la lettre de licenciement.

 

Enquête interne et principe du contradictoire

En dernier lieu, notons que cet arrêt concerne par ailleurs les modalités d’une enquête en matière de harcèlement moral. Il confirme une position jurisprudentielle préexistante ayant conclu qu’une telle enquête interne ne constituait ni une preuve déloyale, ni un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié au sens de l’article L.1222-4 du Code du travail (Cass. soc., 17 mars 2021, n°18-25.597).

 

La décision commentée apporte une précision supplémentaire.

 

Puisque les éléments de l’enquête peuvent être discutés devant les juridictions, un salarié ne peut exiger que lui soit opposable le principe du contradictoire pendant la réalisation de l’enquête (5) et reprocher, en conséquence, à la société de n’avoir ni été entendu lors de celle-ci, ni été confronté aux plaignants et de ne pas avoir davantage eu communication du rapport.

 

(1) Questions-Réponses, ministère du Travail, juillet 2020, p.5
(2) V. not. CA. Dijon, 19 mai 2022, n°20/00347
(3) V. not. CA. Paris, 11 mai 2021, n°19/04426 et 8 avril 2021, n°19/10369
(4) V. not. CA. Aix-en-Provence, 20 mai 2021 n°20/11032
(5) V. dans le même sens CA. Paris, 29 août 2018, n°16/13810

 

Marie-Pierre SCHRAMM, Avocat Associé et Antoine DEPARDAY, Juriste, CMS Francis Lefebvre Avocats

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