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Mise en place du CSE : précisions sur les critères de reconnaissance d’un établissement distinct

Mise en place du CSE : précisions sur les critères de reconnaissance d’un établissement distinct

Dans une affaire suivie par le Cabinet CMS Francis Lefebvre, le tribunal judiciaire de Versailles statuant sur renvoi après cassation (Cass. soc., 9 juin 2021, n°19-23.153) s’est prononcé une nouvelle fois sur le découpage d’une société, leader mondial de la fabrication d’équipements médicaux, en établissements distincts pour la mise en place du comité social et économique (CSE) (TJ Versailles, 15 septembre 2022, n° RG 21/00837).

 

Pour mémoire, en l’absence d’accord conclu avec des organisations syndicales représentant la majorité des suffrages exprimés au premier tour des élections du personnel, l’employeur avait fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

 

Par cette décision, le juge du fond affine son analyse sur les critères de reconnaissance de l’établissement distinct par une décision unilatérale de l’employeur.

 

Les faits et la procédure

Lors des négociations engagées en 2018 sur le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la première mise en place du CSE, les organisations syndicales avaient sollicité un découpage de la société en trois établissements correspondant aux trois grandes familles de métiers de l’entreprise.

 

De son côté, l’entreprise contestait ce découpage au motif que l’organisation économique de la société n’était pas compatible avec la reconnaissance de ces établissements distincts en l’absence de toute autonomie de gestion à un niveau autre que celui de l’entreprise.

 

En janvier 2019, à défaut d’être parvenue à un accord avec les organisations syndicales, la société a décidé, par décision unilatérale, que la société constituait un établissement unique pour la mise en place du CSE.

 

Cette décision a été contestée par les organisations syndicales devant la DIRECCTE (désormais DREETS) qui a fait droit à leur demande en reconnaissant l’existence de trois établissements distincts.

 

Saisi par la société, le tribunal d’instance de Versailles avait confirmé cette décision par jugement du 17 septembre 2019.

 

Les apports de la décision de la Cour de cassation

Soutenant notamment que le découpage en trois établissements distincts ne permettait pas aux CSE d’établissement d’exercer efficacement leurs attributions et qu’il n’existait pas d’autonomie au niveau de ces établissements, tant au plan économique qu’au plan des ressources humaines, la société s’est pourvue en cassation.

 

Par sa décision du 9 juin 2021, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond :

 

    • elle rappelle tout d’abord que, lorsqu’ils sont saisis d’un recours dirigé contre la décision unilatérale de l’employeur, la DREETS et le tribunal d’instance doivent se fonder, pour apprécier l’existence d’établissements distincts au regard du critère d’autonomie de gestion, sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise fournis par l’employeur et les organisations syndicales à l’appui de leur contestation ;
    • elle reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché, au regard des éléments produits par chacune des parties, si les responsables des établissements concernés avaient effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service, et si la reconnaissance à ce niveau d’établissements distincts pour la mise en place des CSE était de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel.

 

Ainsi, la Cour de cassation juge qu’un des critères de reconnaissance de l’établissement distinct porte sur l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel.

En conséquence de la cassation du jugement de première instance, les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire de Versailles autrement composé.

 

La décision de la juridiction de renvoi

 

Statuant sur renvoi après cassation, le tribunal judiciaire de Versailles décide que :

 

    • la décision de la DREETS qui déduit pour l’essentiel du caractère prépondérant du critère de l’autonomie de gestion du personnel et de la taille de l’entreprise que la gestion du personnel ne peut pas être totalement centralisée, est mal fondée ;
    • le critère de l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel est lié aux critères d’autonomie de gestion du personnel et d’autonomie dans l’exécution du service, de sorte qu’il ne peut être examiné seul et avant les deux autres critères. Retenant à cet égard les arguments développés pour la société par le Cabinet CMS Francis Lefebvre, le juge rappelle que l’autonomie du responsable d’établissement doit être suffisante en termes de gestion du personnel et de gestion de l’activité économique pour permettre au responsable de l’établissement de présider utilement le CSE. En l’espèce, il constate que les responsables des ressources humaines à la tête de chaque famille de métiers/activités ne disposaient pas d’une autonomie de gestion du personnel car toutes leurs décisions devaient être approuvées par le responsable ressources humaines dont les prérogatives couvrent toutes les organisations situées en France ;
    • de plus, l’autonomie d’exécution du service n’est pas caractérisée dès lors que les budgets sont alloués à chacune des activités et non à chaque établissement créé par l’Administration.

 

En conséquence, considérant que les critères d’autonomie de gestion du personnel et d’autonomie dans l’exécution du service ne sont pas remplis, le tribunal fait droit à la demande de la société et substitue sa décision à celle du DREETS pour retenir l’existence d’un seul établissement. Il invite la société à en tirer les conséquences lors de l’organisation des prochaines élections professionnelles.

 

L’affaire n’est cependant pas terminée puisque le jugement du tribunal judiciaire a fait l’objet d’un nouveau pourvoi en cassation.

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