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Règlement intérieur et consultation des représentants du personnel : étendue et limite du droit d’agir des organisations syndicales

Règlement intérieur et consultation des représentants du personnel : étendue et limite du droit d’agir des organisations syndicales

Le règlement intérieur, dont l’élaboration est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés, vise essentiellement à définir les règles à caractère général et permanent applicables en matière d’hygiène, de sécurité et de discipline, en déterminant notamment la nature et l’échelle des sanctions disciplinaires que peut prendre l’employeur.

 

Il ne peut, selon les dispositions légales en vigueur, être introduit dans l’entreprise qu’après avoir été soumis à l’avis du comité social et économique (CSE).

 

A défaut, le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur et être opposé au salarié dans le cadre d’un litige individuel.

 

La consultation des instances représentatives du personnel revêt donc une importance primordiale s’agissant de l’opposabilité du règlement intérieur aux salariés. Se pose alors la question de savoir qui est habilité à agir en justice aux fins d’obtenir la nullité ou l’inopposabilité du règlement intérieur qui n’a pas été soumis aux représentants du personnel.

 

Par une décision récente, la Cour de cassation est venue préciser pour la première fois l’étendue des prérogatives des organisations syndicales en cas de manquement de l’employeur à son obligation de consultation sur le contenu du règlement intérieur.

 

Dans cette affaire, antérieure à la mise en place du CSE, l’employeur qui avait engagé une procédure de modification de son règlement intérieur, avait omis de consulter les comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les comités d’établissement.

 

Une organisation syndicale avait alors saisi le juge judiciaire en référé pour demander l’annulation du règlement intérieur litigieux et, subsidiairement, son inopposabilité aux salariés de l’entreprise.

 

Déboutée en première instance, puis en appel, l’organisation syndicale a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

 

Recevabilité de l’action du syndicat aux fins d’obtenir la suspension du règlement intérieur pour défaut de consultation

Le défaut de consultation du CSE autorise ce dernier à saisir l’inspecteur du travail, à engager une action en justice pour délit d’entrave, voire à saisir le Tribunal judiciaire en référé afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant du défaut de consultation.

 

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2022 (Cass. soc., 21 septembre 2022, n°21-10.718), la Cour de cassation devait se prononcer sur le point de savoir si une organisation syndicale était recevable à agir en cas de violation par l’employeur de son obligation de consulter les CHSCT et les comités d’établissement, alors même que ces derniers s’étaient abstenus de toute action.

 

En première instance puis en appel, le juge – s’appuyant sur les jurisprudences retenant que le syndicat n’est pas fondé à solliciter à son profit la communication de documents qui auraient dû être transmis au CSE (Cass. soc. 11 septembre 2012, n°11-22.014) ni à demander que celui-ci bénéficie des informations qui lui sont destinées en application de la loi (Cass. soc., 16 décembre 2014, n°13-22.308) – avait déclaré le syndicat irrecevable à agir en contestation des procédures de consultation des instances représentatives du personnel, celui-ci ne pouvant que s’associer à la demande du CSE mais pas se substituer à lui.

 

Saisie d’un pourvoi par le syndicat, la Cour de cassation rappelle tout d’abord les termes de l’article L.2132-3 du Code du travail selon lesquels : «les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent».

 

Sur ce fondement la Chambre sociale énonce «qu’un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des instances représentatives du personnel, en l’absence des quelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente».

 

Selon la notice explicative jointe à l’arrêt, «cette solution s’explique au regard des spécificités du règlement intérieur d’une entreprise, acte réglementaire de droit privé s’imposant à tous les membres du personnel».

 

Ainsi, une organisation syndicale peut, sur le fondement de l’article L.2132-3 du Code du travail exercer de manière autonome une action en justice en référé en vue d’obtenir la suspension du règlement intérieur pour défaut de consultation des instances représentatives du personnel.

 

Cette solution, rendue pour la première fois à propos du règlement intérieur, va dans le même sens que certaines décisions précédentes reconnaissant au syndicat le droit d’agir en justice lorsque l’employeur manque à son obligation de consultation des représentants du personnel (Cass. soc., 24 juin 2008 n° 07-11.411 ; Cass. soc., 28 mai 2015 n°13-28.680).

 

Irrecevabilité de l’action du syndicat en vue d’obtenir la nullité ou l’inopposabilité du règlement intérieur pour défaut de consultation

Si la Cour de cassation reconnait un droit autonome du syndicat à agir en justice en référé aux fins d’obtenir la suspension du règlement intérieur, elle rejette la demande de ce dernier en ce qu’elle visait à ce que soit prononcée la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise pour défaut d’accomplissement des formalités substantielles tenant à la consultation des instances représentatives du personnel.

 

En effet, ainsi que le souligne la notice explicative, la consultation des représentants du personnel n’est pas une condition de validité du règlement intérieur, mais une condition de son entrée en vigueur, ce qui s’oppose à ce que la nullité du règlement intérieur dans son ensemble ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise puisse être prononcée par une décision rendue au fond. Seule une mesure provisoire de suspension peut ainsi être décidée par le juge des référés.

 

Ainsi, selon les hauts magistrats, «la solution adoptée par cette décision permet aux syndicats de contraindre l’employeur à respecter son obligation légale de soumettre le règlement intérieur à la consultation des institutions représentatives du personnel et assure l’effectivité des garanties prévues par le législateur».

 

Quelles conséquences concrètes en cas de suspension du règlement intérieur ?

La suspension du règlement intérieur en raison du défaut de consultation des instances représentatives du personnel emporte des conséquences, tant pour l’employeur que pour le salarié.

 

Du point de vue de l’employeur, le défaut de consultation des instances représentatives du personnel ayant seulement pour conséquence la suspension du règlement intérieur, il peut à tout moment y remédier en organisant la consultation du CSE pour permettre l’entrée en vigueur du règlement intérieur et le rendre opposable aux salariés.

 

Du point de vue du salarié, le juge décide que le règlement intérieur introduit ou modifié, sans qu’il ait été procédé aux consultations légalement prévues, est privé d’effet à son égard (Cass. soc., 9 mai 2012, n°11-13.687 ; Cass. soc., 11 février 2015, n°13-16.457).

 

Dans le cas où une sanction disciplinaire serait prononcée à l’encontre d’un salarié alors que le règlement intérieur est suspendu faute d’avoir été soumis à la consultation du CSE, le salarié serait fondé, dans le cadre d’un litige individuel l’opposant à son employeur devant la juridiction prud’homale, à invoquer l’inopposabilité du règlement intérieur et à demander, par voie de conséquence, la nullité de la sanction prononcée en application de celui-ci (Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-42.740).

 

Rappelons à cet égard que la nullité de la sanction ne peut être prononcée au motif de l’inopposabilité au salarié du règlement intérieur lorsque la sanction notifiée est un licenciement disciplinaire (Cass. soc., 23 mars 2017, n°15-23.090).

 

On le voit, ce risque de suspension du règlement intérieur, en cas de défaut de consultation du CSE lors de son introduction dans l’entreprise, doit conduire les employeurs à respecter scrupuleusement les règles régissant sa procédure d’élaboration.

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