Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le cas de la visite de reprise anticipée

17 juillet 2018
Tenu d’une obligation de sécurité à l’égard du salarié, l’employeur a l’obligation de soumettre ce dernier à une visite médicale auprès du médecin du travail après un congé maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel (C. trav. art. R. 4624-31), afin qu’il apprécie sa capacité à reprendre le travail ou délivre, dans le cas contraire, un avis d’inaptitude.
C’est en principe le jour de la reprise du travail que cette visite doit se tenir et, au plus tard, dans un délai de huit jours suivant cette reprise. La jurisprudence précise que l’obligation pour l’employeur d’organiser la visite de reprise suppose que le salarié ait effectivement repris le travail, sollicité une visite de reprise ou informé l’employeur de son intention de reprendre le travail (Cass. soc., 11 janvier 2017, n° 15-10281 ; Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-19.529). A défaut, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir organisé la visite (Cass. soc., 25 juin 2013, n° 11-22.370).
Après avoir traité des règles relatives à l’organisation d’une visite de reprise en cas de classement du salarié en invalidité de 2e catégorie (Les Echos Exécutives du 26 juin 2016), nous nous intéressons aujourd’hui à une autre question fréquemment rencontrée, celle de la visite organisée pendant un arrêt de travail : à quelles conditions une visite médicale organisée avant le terme de l’arrêt de travail du salarié peut-elle valablement constituer une visite de reprise ?
La jurisprudence admet qu’une visite réalisée alors que le salarié est toujours couvert par un arrêt de travail puisse, sous certaines conditions, constituer une visite de reprise et dès lors permettre au médecin du travail de déclarer le salarié inapte. Il est alors indispensable de distinguer cette visite de la visite de pré-reprise qui peut également être organisée pendant un arrêt de travail mais dont les effets juridiques sont différents. Pour déterminer ses obligations à l’égard du salarié, l’employeur doit impérativement identifier la nature juridique de la visite.
Distinguer visite de reprise et visite de pré-reprise
Alors que la visite de reprise a pour objet de déterminer la capacité du salarié à reprendre le travail et peut, dans le cas contraire, donner lieu à la délivrance d’un avis d’inaptitude (C. trav., art. R. 4624-32), la visite de pré-reprise a seulement pour objet de recommander des aménagements ou des adaptations de poste, d’émettre des préconisations de reclassement ou des formations professionnelles en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa réorientation professionnelle (C. trav., art. R. 4624-29 et R. 4624.30). Une telle visite ne s’impose pas dans tous les cas d’arrêt de travail des salariés, mais seulement lorsque l’absence pour maladie ou accident dure plus de trois mois. Elle est alors organisée à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil de la sécurité sociale ou du salarié. Cette visite ne peut en aucun cas donner lieu à la délivrance d’un avis d’inaptitude (Cass. soc., 12 nov. 1997 n° 94-40.912 ; Rép. min. n° 32939, JOANQ, 12 mai 2015, p.3669 ; Circ. DGT n° 13 du 9 nov. 2012, p.62).
Ainsi, dans le cas d’une visite de reprise, en présence d’une déclaration d’inaptitude, l’employeur devra engager la recherche de reclassement et aura l’obligation de reprendre le versement des salaires en l’absence de reclassement ou de licenciement à l’issue du délai d’un mois suivant cette déclaration. En présence d’une visite de pré-reprise, il devra soumettre à nouveau le salarié à un examen médical de reprise à l’issue de l’arrêt de travail.
Conditions de validité de la visite de reprise anticipée
La jurisprudence décide que la visite médicale, bien qu’effectuée pendant l’arrêt de travail, peut constituer une visite de reprise au sens de l’article R. 4624-31 du Code du travail et mettre fin à la suspension du contrat de travail lorsque certaines conditions sont réunies (Cass. soc., 26 janv. 2011, n° 09-68.544 ; Cass. soc., 4 févr. 2009, n° 07-44.498) :
- la visite a été sollicitée par le salarié auprès de l’employeur ou du médecin du travail (Cass. soc., 14 juin 2016, n° 14-16.886) ;
- la visite est qualifiée de visite de reprise par le médecin du travail qui se prononce sur la capacité du salarié à reprendre le travail ou sur son inaptitude ;
- l’employeur a été informé de cette visite préalablement à sa réalisation (Cass. soc., 8 févr. 2017, n° 15-27.492 ; Cass. soc., 15 déc. 2015, n° 14-13.528). Une information effectuée par lettre recommandée le jour même de l’examen ne satisfait pas à cette obligation.
À défaut de réunir ces conditions, la visite effectuée pendant l’arrêt de travail ne pourra constituer une visite de reprise et la déclaration d’inaptitude qui en résulterait serait inopposable à l’employeur qui ne saurait donc être tenu, ni de rechercher un reclassement, ni de reprendre le versement des salaires à l’issue du délai d’un mois (Cass. soc., 12 déc. 2012, n°11-30.312). Précisons, à cet égard, qu’un licenciement prononcé sur le fondement d’une inaptitude irrégulièrement constatée peut être déclaré nul au motif qu’il est discriminatoire car prononcé en raison de l‘état de santé du salarié (C. trav., art. L.1132-1 ; Cass. soc., 25 janv. 2012, n°10-15.814).
Comme cela a été souligné à propos du classement du salarié en invalidité de 2e catégorie, cette jurisprudence ne devrait pas être remise en cause par les nouvelles dispositions issues de la loi Travail du 8 août 2016 (n°2016-1088).
Auteurs
Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du responsable de la doctrine sociale
Louis Paoli, avocat, droit social
Une visite de reprise est-elle possible sans reprise effective du travail ? Le cas de la visite de reprise anticipée – Article paru dans Les Echos Exécutives le 13 juillet 2018
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