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Secteur de la presse sportive : tous les coups ne sont pas permis pour une entreprise en position dominante

Secteur de la presse sportive : tous les coups ne sont pas permis pour une entreprise en position dominante

Si l’éthique impose de faire respecter dans le sport une saine concurrence entre les participants à une compétition, la Cour de cassation vient de rappeler qu’il en va de même pour le droit de la concurrence en confirmant la condamnation du groupe Amaury, éditeur du journal L’Equipe, pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la presse quotidienne nationale d’information sportive.

Dans cette affaire, l’Autorité de la concurrence avait, par la décision n°14-D-02 du 20 février 2014, confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2015, condamné le groupe Amaury à une sanction pécuniaire de 3,5 millions d’euros pour avoir évincé un nouvel entrant sur ce marché.

Les faits à l’origine de cette condamnation remontent à l’automne 2008 lorsqu’est annoncé le lancement d’un nouveau quotidien sportif dénommé le 10Sport.com, à dominante footballistique, et vendu au prix attractif de 0,50 euros.

Deux semaines après cette annonce, l’Equipe répliquait avec le lancement d’un nouveau quotidien de ligne éditoriale similaire, vendu à un prix identique et devant paraître en même temps que le premier numéro du 10Sport.com.

Saisie par le 10Sport.com qui s’estimait victime de diverses pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité de la concurrence a procédé à des visites et saisies qui ont montré que le groupe Amaury, confronté à la concurrence d’un nouvel acteur, avait envisagé trois stratégies possibles :

  • la première consistait à ne pas réagir
  • la deuxième était de créer un nouveau quotidien, ce fut l’option retenue
  • la troisième était de modifier et d’adapter le quotidien L’Equipe.

Or, les estimations financières réalisées par l’Equipe pour chiffrer le coût de chacune de ces options montraient que l’option choisie n’était pas rationnelle économiquement car il s’agissait de l’option la plus coûteuse pour le groupe Amaury.

L’Autorité de la concurrence avait également relevé qu’en choisissant pour son nouveau quotidien un contenu similaire, de même qu’un prix et un jour de lancement identiques, le groupe Amaury avait cherché à affaiblir au maximum le tirage du 10Sport.com.

Enfin, le nouveau quotidien lancé par L’Equipe présentait un caractère éphémère puisque sa seule vocation était de répliquer au lancement du 10Sport.com sans se préoccuper de sa rentabilité ni de sa pérennité à long terme.

Si la stratégie mise en œuvre par L’Equipe a été pour le moins efficace puisque, quelques mois seulement après son lancement, le 10Sport.com a cessé de paraître quotidiennement pour devenir un hebdomadaire, la Cour de cassation confirme son caractère anticoncurrentiel en considérant qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre d’une concurrence par les mérites (Cass. com., 1er mars 2017, n°15-19.068).

Est-ce à dire, alors, qu’une entreprise en position dominante ne peut pas répliquer à l’arrivée d’un nouveau concurrent ou à une stratégie innovante mise en œuvre par ses concurrents ? Assurément non, la Cour de cassation rappelant d’ailleurs que même les entreprises en position dominante ont un droit de riposte. Néanmoins, conformément à la jurisprudence des autorités de concurrence, ce droit de riposte doit rester strictement proportionné et ne doit pas conduire à l’exploitation abusive de la position dominante de l’entreprise en cause.

En sport comme en droit de la concurrence, le fair-play doit primer.

 

Auteur

Vincent Lorieul, avocat, droit de la concurrence et droit européen

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