Calcul de la majoration des heures supplémentaires : Attention au risque Urssaf
19 mai 2021
La détermination du taux horaire servant de base de calcul de la rémunération des heures supplémentaires est fréquemment incorrecte et fait courir aux entreprises un risque de redressement de la part de l’Urssaf.
Une règle bien établie en droit du travail
Il est depuis longtemps acquis, au regard du droit du travail, que la majoration salariale applicable aux heures supplémentaires doit être calculée sur la base du salaire horaire effectif payé au salarié, lequel ne se limite pas au seul salaire de base.
Il convient en effet de prendre en compte les primes et indemnités qui sont la contrepartie directe du travail fourni par le salarié ou qui sont inhérentes à la nature de ce travail.
Cette position a été affirmée par l’administration dès 1994 [1].
Elle a ensuite été régulièrement confirmée par la jurisprudence qui est venue préciser, en fonction des situations qui lui ont été soumises, quels éléments de rémunération devaient – ou non – être pris en compte dans la détermination du taux horaire servant de base de calcul aux majorations pour heures supplémentaires.
Eléments de salaire à prendre en compte dans le calcul du taux horaire
Sans prétendre à l’exhaustivité, doivent être retenus à titre d’exemples : les avantages en nature [2], les primes pour travail des dimanches et jours fériés [3] ou encore les primes liées à la production ou au rendement [4].
A l’inverse, ne sont pas prises en compte, car non inhérentes à la nature du travail : les primes d’assiduité [5], d’ancienneté [6], de productivité non liées au rendement individuel ou collectif des salariés [7], d’astreinte et de flexibilité [8].
Une pratique différente fréquemment constatée et tolérée
Malgré ces règles bien établies, force est de constater en pratique que beaucoup d’entreprises prennent pour base de calcul des majorations pour heures supplémentaires le seul taux horaire de base des salariés.
Le paramétrage de bon nombre de logiciels de paie est d’ailleurs établi en référence à ce taux.
Si, comme en attestent les décisions jurisprudentielles précitées, des actions prud’homales ont été intentées par des salariés afin d’obtenir le paiement de rappels de salaires, les Urssaf ne semblaient pas jusqu’à présent se préoccuper particulièrement de cette situation.Â
Une évolution amorcée dans les contrôles Urssaf
Or, le constat a été fait, notamment pour des entreprises du secteur des hôtels, cafés et restaurants, que des redressements de cotisations portant sur ce sujet sont récemment intervenus.
Il convient en effet de préciser que l’Urssaf peut, dans le cadre d’un contrôle, reconstituer l’assiette des salaires sur laquelle les cotisations et contributions sociales auraient dû être calculées. Cette assiette minimale est prévue par le Code de la sécurité sociale [9].
Le fondement de ces redressements tient au fait que si l’organisme de recouvrement relève qu’un salarié a perçu une rémunération inférieure à celle à laquelle il était en droit de prétendre aux termes de la loi ou de stipulations conventionnelles, il peut reconstituer cette rémunération minimale et calculer les cotisations et contributions sociales sur cette base, en lieu et place du salaire qui a été effectivement payé au salarié.Â
Un risque significatif pour les entreprises
C’est en application de ce principe que des Urssaf ont recalculé le taux horaire qui aurait dû être pris en compte pour déterminer la majoration salariale des heures supplémentaires pour l’appliquer au nombre d’heures supplémentaires accomplies par les salariés et recalculer les cotisations dues à ce titre.
L’assiette minimale des cotisations ainsi fixée a permis de procéder à un redressement de cotisations et contributions sociales et à recalculer le montant de la réduction générale de cotisations (dite réduction « Fillon ») des entreprises redressées.
Appliqué sur trois ans, dans un secteur comme l’hôtellerie, cafés, restauration (HCR) où les avantages en nature nourriture et les pourboires réintégrés dans le calcul de la majoration des heures supplémentaires, constituent des éléments significatifs de rémunération, le montant de redressements peut s’avérer très important et fort impactant lorsqu’il frappe tout particulièrement un secteur d’activité durement éprouvé par la crise sanitaire actuelle.
Quelles suites aux contrôles ?
A l’occasion de certains contrôles, des commissions de recours amiable (CRA) ont transformé ces redressements en observations pour l’avenir. La CRA de l’Urssaf Rhône-Alpes a ainsi estimé que la pratique de l’entreprise, à savoir l’absence de réintégration des éléments de salaire dans le calcul du taux horaire des heures supplémentaires, s’était inscrite dans celle observée par cet organisme :
-
- qui était largement connue des entreprises et des cabinets d’expertises comptable ;
-
- qui pouvait être considérée comme la position en vigueur, même s’il s’agissait d’une tolérance.
La Commission a souligné que l’Urssaf avait informé fin décembre 2019 l’ordre régional des experts-comptables de l’évolution de ses pratiques de contrôle en la matière.
Et maintenant ?
Bien que les redressements dont nous avons eu connaissance portent sur des entreprises relevant de la compétence de l’Urssaf Rhône-Alpes dans le secteur des HCR, il est parfaitement envisageable que cette nouvelle pratique soit étendue au niveau national et à l’ensemble des secteurs d’activité.
Les entreprises ont donc tout intérêt à anticiper ce risque, soit en modifiant leurs pratiques de calcul des majorations pour heures supplémentaires (en déterminant parmi les différents éléments de salaire ceux qui doivent entrer dans l’assiette de calcul de ces majorations), soit en optimisant la mise en œuvre de dispositif d’aménagement du temps de travail pour limiter le recours aux heures supplémentaires.
[1] Circulaire DRT n°94/4 du 21 avril 1994
[2] Cass. Soc. 23 mars 1989, n°86-45.353
[3] Cass. Soc. 22 juin 2017, n°16-16.113
[4] Cass. Soc. 29 octobre 2007, n°06-42.426
[5] Cass. Soc. 26 octobre 1979, n°78-41.113
[6] Cass. Soc. 29 mai 1986, n°84-44.709
[7] Cass. Soc. 19 octobre 1966, n°65-40.425
[8] Cass. Soc. 27 janvier 2016, n°14-11.069
Article paru dans Les Echos le 19/05/2021
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