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Covid-19 : la mise à jour du DUER ne nécessite pas la consultation du CSE

Covid-19 : la mise à jour du DUER ne nécessite pas la consultation du CSE

Contrairement à ce qu’a décidé la cour d’appel de Versailles dans l’affaire Amazon, le tribunal judiciaire de Lyon, dans une affaire suivie par le cabinet CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats, juge que le comité social et économique (CSE) n’a pas à être consulté sur l’évaluation des risques et la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER).

Il estime en outre qu’est suffisante la seule consultation du CSE central sur le plan de déconfinement décidé au niveau central (ord. de référé, TJ Lyon, 22 juin 2020, n° 20/00701, cliquez-ici pour lire l’ordonnance). Analyse.

 

Aux termes des articles L.4121-2 et R.4121-1 et suivants du Code du travail, l’employeur est tenu d’évaluer dans son entreprise les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de transcrire les résultats dans un document unique et de mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates.

Aucune disposition légale ou règlementaire en vigueur n’impose que le CSE intervienne ni dans l’évaluation des risques, qui incombe à l’employeur, ni dans la rédaction ou la mise à jour annuelle du DUER.

Néanmoins, le ministère du Travail, au fil des mises à jour de ses questions-réponses sur le coronavirus, a toujours préconisé d’associer – et non de consulter – les instances représentatives du personnel à l’évaluation des risques ainsi qu’à la définition et à la mise en œuvre des mesures de prévention.

Pour autant, dans une affaire très médiatisée concernant la société Amazon, la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 24 avril 2020 n° 20/011993), a jugé qu’il appartenait à l’employeur de « consulter le CSE central dans le cadre de l’évaluation des risques – comprenant la modification du DUER -, puis la mise en œuvre des mesures appropriées, sans pour autant ignorer les CSE d’établissement lesquels, dans le cadre de cette démarche d’évaluation, devaient être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés, étant rappelé que le comité social et économique a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail ».

Dans la présente affaire, trois CSE d’établissement faisant grief à la société d’avoir procédé à la consultation du seul CSE central sur les mesures de prévention et les conditions de reprise de l’activité, ont saisi en référé le Tribunal judiciaire aux fins que l’employeur soit contraint de les consulter sur l’évaluation des risques, la mise à jour du DUER et les mesures de prévention décidées.

 

La seule consultation du CSE central sur le plan de déconfinement décidée au niveau central est parfaitement valable

Les CSE d’établissement estimaient que constituait un trouble manifestement illicite le fait pour l’employeur de n’avoir procédé à l’information et consultation sur le plan de reprise des salariés (plan de déconfinement) qu’au niveau central, sans évaluation préalable des risques inhérents au Covid-19 au sein de chacun des établissements, en association avec les instances représentatives à ce niveau.

Pour débouter les CSE d’établissement de leur demande, le tribunal judiciaire de Lyon rappelle que l’article L.2316-1 du Code du travail confie au CSE central d’entreprise les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement. Le Tribunal judiciaire précise aussi qu’il est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l’entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements.

Il en déduit qu’ »il n’est pas justifié que cette mesure d’information/consultation pratiquée au niveau du seul CSE central soit constitutive d’un trouble manifestement illicite pour les CSE d’établissement ni pour les salariés, dès lors que les conditions de réouverture et de reprise progressive du travail dans les 900 agences de France apparaissent avoir été appréciées avec sérieux et compétence par l’employeur, qui a décliné ces conditions de reprise suivant les zones de plus ou moins grande contamination telles qu’appréciées par les pouvoirs publics. Pour le reste, les mesures à prendre pour éviter la propagation de la maladie sont les mêmes suivant toutes les agences du territoire national (…) ».

 

En d’autres termes, dès lors que les mesures relatives au plan de déconfinement ne comportent pas de spécificités par établissement, il est possible pour l’employeur de consulter le CSE central sur ces mesures sans devoir faire de même au niveau des CSE d’établissement.

 

Sur ce point, la position du juge des référés diffère de celle de la cour d’appel de Versailles qui, après rappelé qu’ »il résulte qu’en application des articles L.2316-1 3° et L.2312-8 4° du Code du travail, le CSE central devait être seul consulté sur les mesures d’adaptation communes aux six établissements de la société Amazon France Logistique, s’agissant d’aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ainsi que les conditions de travail. L’intervention de ce comité central présentait d’autant plus d’intérêt dans un contexte épidémique national où une réflexion d’ensemble avait toute sa place, les établissements étant alors chargés de l’adapter à leurs spécificités », en conclut que « par conséquent, il appartenait à la société Amazon de consulter le CSE central dans le cadre de l’évaluation des risques – comprenant la modification du DUER – puis la mise en œuvre des mesures appropriées, sans pour autant ignorer les CSE d’établissement, lesquels dans le cadre de cette démarche d’évaluation, devaient être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés ».

 

L’évaluation des risques et la mise à jour du DUER ne nécessitent pas la consultation du CSE

Adoptant une position inverse à celle retenue par la cour d’appel de Versailles, le juge des référés de Lyon juge que « le Code du travail n’impose donc pas que le CSE intervienne dans l’évaluation des risques qui incombe à l’employeur, ni dans l’élaboration et la mise à jour du DUER. Les représentants du personnel doivent être associés au processus de mise en œuvre de la démarche de prévention, tant au regard de l’évaluation des risques que de la préparation des actions de prévention. La mise à jour intervient a posteriori de la décision de l’employeur, après qu’il a consulté les représentants du personnel sur le projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ».

Le juge des référés a été sensible au fait que :

    • la mise à jour du DUER était en cours pour s’achever à l’été dans le cadre de sa mise à jour annuelle obligatoire (C. trav., art. R.4121-2), que l’employeur envisageait d’y associer la commission ad hoc créée à l’occasion de l’épidémie de coronavirus, et d’en informer le CSE ;
    • les mesures prises dans le cadre du plan de reprise pouvaient être mises en œuvre avant la mise à jour du DUER ;
    • les représentants du personnel avaient bien été associés d’ores et déjà au sujet de l’évaluation des risques et des mesures de prévention dans le cadre de la consultation du CSE central sur le plan de déconfinement.

 

Le contexte dans lequel se trouvait la société Amazon permet d’expliquer cette différence de solution. En effet, la cour d’appel de Versailles avait quant à elle relevé que, à la date à laquelle les premiers juges avaient statué :

    • « si certains documents avaient été remaniés a minima et sans aucune concertation avec les représentants des salariés, aucune démarche n’avait été initiée par l’employeur pour modifier les DUER au regard des risques psycho-sociaux » ;
    • « l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et en concertation avec les salariés, en particulier les membres de chaque CSE d’établissement (…) » ;
    • « l’insuffisance des mesures prises par la société Amazon en contravention avec les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail ».

 

Ce qui était constitutif d’un trouble manifestement illicite.

Ainsi, la cour d’appel de Versailles semble avoir sanctionné l’absence totale de toute consultation du CSE sur le projet d’aménagement important des conditions de travail, plus qu’une prétendue obligation légale de consultation du CSE sur l’évaluation des risques et sur la mise à jour du DUER.

 

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