Directives sur des conditions de travail transparentes et prévisibles et sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée : la loi de transposition est publiée !
20 mars 2023
Les directives (UE) 2019/1152 et 2019/1158 du 20 juin 2019 relatives, respectivement, à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne (UE) et à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des aidants prévoyaient que les Etats membres devaient procéder à leur transposition dans leurs droits nationaux avant le 1er août 2022.
En droit français, la loi n°2023-171 du 9 mars 2023, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture opère la transposition des deux directives.
Focus sur les principales dispositions de la loi en matière sociale.
Mesures portant sur des conditions de travail transparentes et prévisibles
1. Dispositions relatives à la période d’essai
Fin de la dérogation permettant d’appliquer des périodes d’essai plus longues que les durées légales de période d’essai
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, les durées des périodes d’essai initiales et de leur renouvellement sont fixées par la loi en fonction la catégorie professionnelle du salarié.
La loi de 2008 a mis fin, à compter de son entrée en vigueur le 26 juin 2008, à l’application des périodes d’essai plus courtes que celles prévues par la loi, mais a autorisé :
-
- la fixation de durées plus courtes de périodes d’essai par un accord collectif conclu après le 26 juin 2008 ;
- la poursuite de l’application de durées de périodes d’essai plus longues que celles qui sont prévues par la loi dès lors que celles-ci étaient fixées par un accord de branche conclu avant son entrée en vigueur, soit avant le 26 juin 2008 ;
- la fixation de durées plus courtes dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
La loi du 9 mars 2023 supprime la possibilité d’appliquer des durées de période d’essai plus longues que les durées légales prévues par un accord de branche, ce dont il résulte que les entreprises couvertes par un tel accord ne pourront plus en faire application.
A ce jour, neuf conventions collectives de branche, conclues avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008, prévoient pour les cadres des périodes d’essai plus longues que celles prévues par cette loi. Toutefois, pour laisser aux branches professionnelles concernées le temps de se mettre en conformité, la loi prévoit que la suppression de cette dérogation entrera en vigueur six mois après la date de promulgation de la loi.
Maintien de la durée maximale de période d’essai des cadres
La loi de 2008 a fixé à huit mois la durée maximale de la période d’essai des cadres, renouvellement inclus.
Cette disposition semblait remise en cause par les termes de la directive du 20 juin 2019 qui prévoit que «Les États membres veillent à ce que, lorsque la relation de travail fait l’objet d’une période d’essai telle qu’elle est définie dans le droit national ou la pratique nationale, cette période n’excède pas six mois.»
Toutefois la directive autorise les États membres «à prévoir des périodes d’essai plus longues lorsque la nature de l’emploi le justifie ou lorsque cela est dans l’intérêt du travailleur».
Elle ajoute, en outre, que «les États membres peuvent autoriser les partenaires sociaux à conserver, négocier, conclure et appliquer des conventions collectives, conformément au droit national ou à la pratique nationale, qui, tout en respectant la protection globale des travailleurs, établissent des modalités concernant les conditions de travail des travailleurs différentes de celles prévues par la directive» notamment en matière de durée des périodes d’essai.
En conséquence, le législateur n’a pas modifié les dispositions légales fixant à huit mois la durée maximale de la période d’essai des cadres.
2. Remise des informations relatives aux conditions de travail
La loi crée dans le Code du travail un nouvel article L.1221-5-1 qui fait obligation à l’employeur de remettre au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les principales informations relatives à la relation de travail.
Cet article prévoit également qu’un salarié qui n’a pas reçu les informations requises peut, après avoir mis en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou de compléter les documents remis, saisir le juge compétent afin de les obtenir.
Un décret en Conseil d’Etat fixe, notamment, la liste des informations qui doivent être remises par l’employeur au salarié. Pour mémoire, la directive prévoit que certaines informations (telles que le lieu de travail ou encore la qualification de l’emploi, etc.) doivent être remises par écrit dans un délai de sept jours calendaires à compter du 1er jour de travail. Les autres doivent être communiquées dans un délai d’un mois à compter de cette même date.
Les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la loi pourront obtenir également ces informations à condition de prendre l’initiative de les demander à leur employeur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Cette obligation d’information ne s’applique pas :
-
- aux employeurs des salariés en contrat à durée déterminée, en contrat à temps partiel ou en contrat du Code rural et de la pêche maritime d’une durée de moins de trois heures par semaine au cours d’une période de référence de quatre semaines, à condition qu’ils utilisent le chèque emploi-service universel ;
- aux employeurs d’artistes du spectacle vivant, lorsqu’ils recourent au guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO).
3. Information sur les postes à pourvoir en contrat à durée indéterminée (CDI)
L’employeur devra, à la demande du salarié titulaire d’un CDD ou d’un contrat de mission auprès d’une entreprise de travail temporaire, justifiant respectivement dans l’entreprise ou l’entreprise utilisatrice d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’informer des postes à pourvoir en CDI au sein de l’entreprise.
Un décret en conseil d’Etat précisera les modalités de cette information.
Mesures en faveur de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des aidants
La directive (UE) 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants a pour objectif, aux termes de son article premier, de «parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants.»
Elle garantit des droits relatifs au congé de paternité, au congé parental et au congé d’aidant. Elle impose, en outre, aux États membres de mettre en place des formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants.
Conformément aux dispositions de la directive, la loi du 9 mars 2023 modifie le Code du travail sur trois points :
1. Conservation du bénéfice des avantages acquis par le salarié avant la prise d’un congé
La directive prévoit que les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date de début du congé de paternité, du congé parental, du congé d’aidant ou de l’absence de travail pour raisons de force majeure sont maintenus jusqu’à la fin du congé ou de l’absence.
À l’issue du congé ou de l’absence, ces droits s’appliquent et le travailleur doit pouvoir retrouver son emploi ou un poste de travail équivalent à celui qu’il occupait avant son départ en congé.
Or, si le Code du travail garantit déjà que le salarié de retour de congé a le droit de retrouver son poste précédent ou un emploi similaire, il ne prévoyait pas le maintien des avantages acquis avant le début du congé, ni la prise en compte de la durée du congé pour la détermination des droits issus de l’ancienneté pour tous ces congés.
La loi du 9 mars 2023 prévoit désormais que la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté et que le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.
S’agissant du congé de présence parentale, pour lequel était déjà prévue la prise en compte de sa durée pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté, il est désormais prévu que le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.
Notons enfin que la durée du congé de paternité est désormais prise en compte pour la répartition de la réserve spéciale de participation lorsque celle-ci est effectuée proportionnellement à la durée de présence, au même titre que le congé de maternité, d’adoption ou de deuil, les arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle et les périodes de mise en quarantaine dans les conditions prévues par le Code de la santé publique.
2. Modalités de calcul de l’ancienneté requise pour bénéficier du congé parental d’éducation :
L’article 5 de la directive 2019/1158 du 20 juin 2019 permet de subordonner le droit au congé parental à une période de travail ou à une période d’ancienneté qui ne peut dépasser un an.
Néanmoins, le législateur tient compte de la décision rendue par la Cour de justice de l’UE (CJUE) qui a précisé les modalités de calcul de cette ancienneté en indiquant que les dispositions de la directive relatives à l’ancienneté requise devaient s’entendre comme «l’occupation sans interruption par le parent concerné d’un emploi pendant une période d’au moins douze mois immédiatement avant le début du congé parental».
La Cour en a déduit que «ces clauses s’opposent à une réglementation nationale qui conditionne l’octroi d’un droit à un congé parental au statut de travailleur du parent au moment de la naissance ou de l’adoption de son enfant» (CJUE, 5 février 2021, affaire C-129/20, XI c. Caisse pour l’avenir des enfants).
Or, les dispositions de l’article L.1225-47 du Code du travail subordonnaient le droit à un congé parental d’éducation à l’existence d’une ancienneté minimale d’une année à la date de naissance de l’enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire.
La loi du 9 mars 2023 modifie ces dispositions. Désormais, le droit à congé parental sera ouvert à tout salarié justifiant d’un an d’ancienneté à la date de la demande de ce congé.
En outre, l’article L.1225-54 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 mars 2023 précisait que « la durée du congé parental d’éducation est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son l’ancienneté ».
Cette disposition est complétée pour préciser que «lorsqu’un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d’un congé parental, la durée du congé parental d’éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté».
3. Extension du droit à congé à certains salariés, dont ceux employés par des particuliers :
Enfin, la loi du 9 mars 2023 tire les conséquences de l’article 2 de la directive 2019/1158 du 20 juin 2019 définissant son champ d’application, lequel s’applique à «tous les travailleurs, hommes et femmes, qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur dans chaque État membre, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice».
Le Code du travail ne retenait pas une définition aussi large pour le bénéfice de certains congés familiaux.
En effet, si les salariés employés par des particuliers à leur domicile, les assistants maternels et les assistants familiaux relevant du droit privé ont droit aux congés de maternité, de paternité, d’adoption et d’éducation des enfants, ainsi qu’aux congés pour évènements familiaux (mariage, décès, naissance, adoption), ils n’avaient pas droit au congé de proche aidant et au congé de solidarité familiale.
La loi étend donc le bénéfice du congé de solidarité familiale et du congé de proche aidant aux salariés du particulier employeur et aux assistants maternels employés dans les conditions du droit privé.
Ces trois dispositions sont entrées en vigueur au lendemain de la date de promulgation de la loi, soit le 11 mars 2023.
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