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Heures de délégation au-delà du temps de travail et majoration pour heures supplémentaires (1) – Egalité de traitement et catégorie professionnelle (2)

Heures de délégation au-delà du temps de travail et majoration pour heures supplémentaires (1) – Egalité de traitement et catégorie professionnelle (2)

Dans deux affaires tranchées par le Conseil de Prud’hommes de Créteil le 21 octobre 2021 et dans deux autres dossiers soumis au Conseil de Prud’hommes de Paris et ayant donné lieu à des jugements rendus le 2 juin 2021 (notifiés le 19 octobre 2021), la question s’est posée de savoir si les heures de délégation prises par les représentants du personnel (1) au-delà de leur temps de travail devaient donnaient lieu automatiquement à la majoration au titre des heures supplémentaires.

 

Prise des heures de délégation par un représentant du personnel au-delà du temps de travail : la majoration pour heures supplémentaires est-elle automatiquement due ?

L’employeur, dans ces quatre affaires, avaient rémunéré les heures au taux normal, mais refusait d’appliquer la majoration.

 

Les Conseils de Prud’hommes de Créteil et de Paris ont entièrement suivi l’argumentation développée par Maîtres Rodolphe OLIVIER et Karim BENKIRANE et ont jugé :

 

    • que les heures de délégation peuvent être utilisées en dehors de l’horaire habituel du représentant du personnel lorsque les nécessités du mandat le justifient,
    • que les représentants du personnel doivent toutefois apporter la preuve qu’ils devaient nécessairement exercer leurs attributions de représentants du personnel en dehors de leur horaire normal de travail,
    • qu’aucun des quatre salariés ne prouvait qu’il était « contraint de  faire usage de son crédit d’heures de délégation au-delà de ses horaires de travail habituels en fonction des nécessités des mandats »,
    • qu’au demeurant, les salariés travaillaient dans le cadre d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur l’année prévu par accord collectif, et que le temps de travail accompli par les salariés ajouté à celui correspondant aux heures de délégation qu’ils ont prises n’ont pas déclenché le seuil requis pour que les heures de délégation prises soient considérées comme des heures supplémentaires.

 

Le Conseil de Prud’hommes de Créteil a ajouté sur ce dernier point: « qui plus est, il résulte des pièces produites aux débats contradictoires et des explications fournies par les parties, notamment des plannings du salarié et de ses bulletins de paie, que chaque heure de délégation prise dans le cadre de ses crédits d’heures lorsqu’elles étaient prises en journée ou de nuit, n’étaient jamais précédées ou suivies d’une période de travail portant la durée quotidienne et hebdomadaire au-delà de la durée conventionnelle, à l’exception de quelques périodes qui ont donné lieu au versement d’un salaire majoré pour heures supplémentaires ».

 

De son côté, le Conseil de Prud’hommes de Paris a précisé sur ce même sujet :

La notion d’heure supplémentaire est définie à l’article L.3121-28 du Code du travail : «  Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

De plus, L’article L.3121-41 du Code du travail dit : « Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence. Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d’accord collectif et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur. Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1.607 heures ».

 

En l’espèce, la société X a signé un accord collectif sur l’organisation du temps de travail le 16 mai 2011 qui organise le temps de travail des salariés en contrat indéterminé, selon l’article 5.1, dans un cadre annuel, selon l’article 5.2.

L’article 7.1 de l’accord précise les modalités de décompte et de paiement des heures supplémentaires.

Or, les bulletins de salaire de Monsieur Y montrent que le compteur d’heures de travail n’atteint jamais les déclenchements d’heures supplémentaires que ce soit à la semaine pour les semaines au-delà de 43 heures, que ce soit au mois ou à l’année au-delà de 1.607 heures.

Les heures de délégation sont incluses dans le compteur d’heures de travail.

Etant donné que le compteur d’heures de travail de Monsieur Y est toujours en-deçà des plafonds de déclenchement des heures supplémentaires, il ne peut pas y avoir de majoration pour heures supplémentaires étant donné qu’il n’en a pas réalisées ».

Les Conseils de Prud’hommes de Créteil et de Paris ont donc débouté les quatre salariés des rappels de salaire (pour majoration d’heures supplémentaires) qu’ils ont formulé au titre de leurs heures de délégation.

 

A travail égal – salaire égal : les agents de sécurité affectés sur les sites des clients et bénéficiant d’une gratification de fin d’année de 180 euros en application d’un accord collectif peuvent-ils bénéficier d’un 13ème mois et d’une prime de vacances perçues par d’autres salariés affectés en agence ou au siège social ?

 

Le Conseil de Prud’hommes de Créteil, dans les deux jugements précités, retenant sur ce point encore l’analyse proposée par Maître Rodolphe OLIVIER et Karim BENKIRANE, a répondu par la négative en estimant ce qui suit :

 

« Il résulte des dispositions de l’article L.3221-2 du Code du travail que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ;

Constituent une rémunération au sens des dispositions de l’article L.3221-2 du même Code, le salaire ou le traitement ordinaire de base ou minimum et accessoires payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur en raison de l’emploi de ce dernier (C. trav. Art. L 3221-3) ;

Pour l’application de l’article L.3221-4 du Code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme, ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilité et de charge physique ou nerveuse ;

Ainsi, des travailleurs exercent un même travail ou un travail de valeur égale si, compte tenu d’un ensemble de facteurs tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail, ils peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable ;

 

Il s’ensuit que la seule appartenance à une même catégorie professionnelle n’implique pas de fait une identité de situation ;

 

Enfin, les, différences de traitement entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie d’accord collectif, négocié et signé par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ;

 

Aussi, un accord collectif ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés de même catégorie exerçant un travail de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont il appartient au Conseil de prud’hommes de contrôler la réalité et la pertinence ;

 

A l’appui de ses prétentions, Monsieur Y soutient que le versement d’une prime de 13ème mois et d’une prime de vacances aux seuls cadres et agents de maîtrise de l’entreprise constitue une violation du principe d’égalité de traitement, la seule différence de catégorie professionnelle ne pouvant en elle-même justifier l’attribution d’un avantage ; Il résulte des pièces produites aux débats contradictoires et des explications fournies par les parties, que par un accord collectif conclu le 4 septembre 2003, la société employeur et les organisations syndicales représentatives ont fixé le principe de l’attribution d’une gratification de fin d’année applicable à l’ensemble du personnel œuvrant sur site au sein de la société ;

L’article 2 dudit accord stipule que la gratification de fin d’année vient se substituer aux primes et gratifications de fin d’année dont peuvent bénéficier déjà certains salariés sans toutefois que le montant de cette dernière s’en trouve diminué.

Par ailleurs, l’accord stipule que le montant global de la gratification est plafonné à 180 euros pour un salarié à temps plein et que son versement s’effectue sur la rémunération du mois de novembre de chaque année. Puis, par un accord collectif de révision conclu le 14 septembre 2015, les protagonistes sociaux ont expressément exclu le personnel d’agence de ce dispositif ;

 

Au cas particulier, il est constant que Monsieur Y fait partie du personnel exerçant sur site. Il ressort par ailleurs des pièces produites aux débats contradictoires notamment de ses bulletins de paie, que le salarié a régulièrement perçu, chaque année au mois de novembre, une gratification de fin d’année par application de l’accord collectif ;

Pour justifier sa demande et le caractère illicite de la différence de traitement, Monsieur Y produit un bulletin de paie anonymisé appartenant à un salarié possédant une qualification d’agent de maîtrise d’exploitation, duquel il ressort le versement d’une gratification de fin d’année très largement supérieure à celle versée au salarié demandeur, ainsi que le versement d’une prime de vacances ;

Force est toutefois de constater, d’abord, que le salarié avec lequel Monsieur Y se compare est un agent de maîtrise d’exploitation rattaché au personnel d’agence qui échappe à l’application des dispositions conventionnelles fixant le versement d’une gratification de fin d’année plafonnée à de 180 euros ;

 

Ensuite, le salarié comparant n’appartenant pas à la même catégorie, il ne peut être valablement soutenu en demande que les deux salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale et, partant, qu’ils peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable ;

Au vu de ces circonstances, il convient de dire qu’en appliquant strictement l’accord collectif au bénéfice de Monsieur Y, la société n’a pas agi autrement que dans le respect de ses obligations conventionnelles et qu’elle n’a pas méconnu le principe à travail égal salaire égal, en attribuant au personnel relevant d’une autre catégorie une prime de vacances et une gratification de fin d’année d’un montant supérieur ;

La demande tendant à obtenir le versement de ces éléments de rémunération est rejetée ».

 

Ce faisant, le Conseil de Prud’hommes de Créteil a débouté les deux salariés de leur demande tendant à un rappel de salaire au titre du 13ème mois et d’une prime de vacances.

 

(1) Le premier exerçait les mandats de délégué du personnel, de membre du comité d’entreprise et de représentant syndical audit comité d’entreprise depuis 2014, puis les mandats de membre du CSE et de délégué syndical à compter du mois de septembre 2018 ; le second exerçait le mandat de membre du CSE; le troisième était délégué syndical; le quatrième était membre du CSE

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