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La loi pour renforcer la prévention en santé au travail : La nouvelle définition du harcèlement sexuel (Part II)

La loi pour renforcer la prévention en santé au travail : La nouvelle définition du harcèlement sexuel (Part II)

Notre analyse en trois parties (1) de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail se poursuit avec l’examen de la redéfinition de la notion de harcèlement sexuel laquelle a été modifiée pour être partiellement harmonisée avec celle retenue par le Code pénal.

 

Nouvelle définition du harcèlement sexuel

Pour une raison dont on a quelque difficulté à comprendre le rationnel, la loi du 2 aout 2021, qui plus est dans son article introductif, redéfinit de manière a priori sensible mais, en fait, fondamentale, le harcèlement sexuel.

L’appréhension de l’évolution de l’article L. 1153-1 du Code du travail tel que réécrit par l’article 1er commande qu’il soit repris in extenso :

 

« Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

 

Le harcèlement sexuel est également constitué :

a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

 

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

 

La loi du 2 août 2021, dont on rappellera que les dispositions entreront en vigueur le 31 mars 2022 font évoluer la définition du harcèlement sexuel, au sens du Code du travail, dans des proportions majeures.

 

Les propos ou comportements à connotation sexistes sont désormais constitutifs de harcèlement sexuel

Qu’est-ce qu’un propos ou un comportement à connotation sexiste dans l’entreprise ?

On ne se hasardera pas à tenter de donner une définition mais on se réfèrera à la notion d’agissement sexiste tel que défini par le Code du travail.

L’article L. 1142-2-1 du Code du travail créé par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 en son article 20 et inscrit dans le titre IV du Livre premier de la première partie du Code du travail relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, d’ailleurs non modifié par la loi du 2 août 2021, dispose que :

 

« Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

 

Dès lors, on conclut des textes nouveaux que tout comportement (et vraisemblablement agissement) lié au sexe d’une personne susceptible de porter atteinte à sa dignité pourra être constitutif de harcèlement sexuel.

On peut se demander si l’article L. 1142-2-1 du Code du travail conserve désormais sa pertinence et sa portée compte tenu de la modification de l’article L. 1153-1 du Code du travail.

 

La consécration de la prohibition du harcèlement sexuel « de groupe » ou « d’ambiance »

Apport conséquent de la loi du 2 aout 2021, le harcèlement sexuel peut être constitué dès lors que les propos ou comportements émanent de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, même si chacune de ces personnes n’a agi qu’une fois.

De la même manière, le harcèlement sexuel est constitué lorsqu’il émane de plusieurs personnes qui, sans concertation particulière, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

L’apport de cet ajout est majeur dans la mesure où il permet de faire échec à l’absence de constat du harcèlement sexuel lorsque le prétendu harceleur n’a agi qu’une seule et unique fois comme l’énonce le premier alinéa de l’article L. 1153-1 où la notion de répétition est un élément constitutif du harcèlement sexuel.

 

Disposition bienvenue car elle permettra aux victimes d’invoquer un texte protecteur lorsqu’elles font face à une répétition de propos ou comportement unique de la part de plusieurs harceleurs, concertés, ou non.

 

Au-delà, les débats parlementaires, toujours éclairants, permettent de mieux comprendre l’intention du législateur.

Ainsi, ces derniers précisent qu’il était nécessaire de consacrer la notion de harcèlement de groupe, notamment pour s’aligner sur la définition retenue par le Code pénal.

 

Le compte-rendu de l’Assemblée nationale relatif à la séance du 15 février 2021 précise que :

 

« L’article 1er vise en particulier à compléter l’article L. 1153-1 du Code du travail relatif au harcèlement sexuel, afin que les propos ou comportements à connotation sexiste – et non plus seulement à connotation sexuelle – permettent de qualifier une situation de harcèlement sexuel. Il s’agit d’une harmonisation partielle avec la définition prévue à l’article 222-33 du Code pénal sachant qu’il manque, dans la proposition de loi, la reprise des alinéas 2 à 4 de l’article précité relatifs au harcèlement de groupe. Cet amendement vise à réparer cette lacune ».

 

Le compte-rendu du Sénat relatif à la séance du 5 juillet 2021 indique quant à lui que :

 

« Il faut encore préciser que les faits peuvent avoir été commis par plusieurs personnes sans qu’aucune d’entre elles ait agi de manière répétée, caractéristique d’un harcèlement sexuel d’ambiance.

Sur ce sujet important, faire preuve de précision rédactionnelle est bien évidemment indispensable. Il nous semble que cette modification serait cohérente avec la rédaction des dispositions actuelles du Code du travail. Le Conseil d’État, dans son avis sur cette proposition de loi, s’est prononcé en faveur d’une harmonisation entre les deux codes [Code pénal et Code du travail]. »

 

Par ailleurs, le législateur ne s’aligne pas totalement sur le Code pénal puisque ce dernier considère que l’infraction est constituée « Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée. »

Cette omission est volontaire dans la mesure où le recours au verbe « imposer » dans le texte du Code du travail aurait impliqué l’obligation pour la victime de prouver le caractère intentionnel de l’acte.

Or, si l’élément intentionnel est indispensable à la qualification pénale, tel n’est pas le cas en droit du travail où le harcèlement sexuel peut être constitué en l’absence de tout élément intentionnel de la part de l’auteur de l’acte.

(1) A LIRE EGALEMENT

La loi pour renforcer la prévention en santé au travail : Le renouveau du document unique d’évaluation des risques professionnels (Part I)

La loi pour renforcer la prévention en santé au travail : Le passeport de prévention, les services de prévention et de santé au travail et le suivi médical des salariés (Part III)

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