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Le détourage d’activités dans les opérations de M&A : enjeux juridiques, fiscaux et sociaux

Le détourage d’activités dans les opérations de M&A : enjeux juridiques, fiscaux et sociaux

Les opérations de détourage, aussi appelées «carve-out», sont des opérations très fréquentes dans l’univers du M&A. Elles n’en constituent pas moins des opérations complexes dont les enjeux juridiques, fiscaux ou sociaux doivent impérativement être anticipés.

 

Le détourage est une opération visant à isoler un actif ou une branche d’activité de la ou des sociétés qui l’hébergent, soit dans une perspective de réorganisation interne, soit dans un environnement transactionnel.

 

Pour des raisons opérationnelles diverses, le détourage peut porter soit sur l’activité cédée, soit sur l’activité ayant vocation à être conservée. Si, dans les deux cas, le carve-out prend traditionnellement la forme d’une filialisation, la première hypothèse se traduit par la cession des titres émis en rémunération de l’apport alors que la seconde nécessite l’attribution des titres émis en rémunération de l’apport aux associés de l’apporteuse, préalablement à la cession des titres de l’apporteuse.

 

L’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions

 

L’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions, pleinement consacré par l’ordonnance n°2023-393 du 24 mai 2023 à l’article L.236-27, al. 1 du Code de commerce est, dans les opérations de détourage, la structuration la plus utilisée car la plus efficace.

 

Un tel apport emporte en effet transmission universelle du patrimoine de la société apportée au profit du bénéficiaire de l’apport et peut bénéficier d’un effet comptable et fiscal différé ou rétroactif voire, dans certaines situations, d’un régime fiscal de faveur permettant la réalisation de l’opération en neutralité fiscale.

 

Lorsque le régime juridique des scissions est écarté, le détourage peut prendre la forme soit (i) d’un apport en nature classique, soit (ii) d’une cession pure et simple de l’activité ou des actifs concernés moyennant un prix en numéraire.

 

Si ces opérations ne sont pas susceptibles de bénéficier d’un transfert universel de patrimoine ou d’un quelconque régime fiscal de faveur, elles bénéficient d’un formalisme juridique moins lourd et sont souvent plus rapides car elles échappent au délai d’opposition des créanciers de 30 jours.

 

La scission partielle

 

Avec la réforme issue de l’ordonnance de 2023 susmentionnée, une nouvelle voie s’ouvre : celle de la scission partielle, qui permet l’attribution directe des titres émis en rémunération de l’apport aux associés de l’apporteuse (nouvel art. L.236-27, al. 2).

 

Pour que cette opération puisse remplacer efficacement l’opération contraignante dite d’«apport-attribution» de l’article 115, 2° du CGI, encore faut-il s’assurer de l’application du régime de faveur fiscal, ce qui nécessite d’attendre la prochaine mise à jour du code général des impôts.

 

Quelle que soit l’option choisie, l’opération de détourage doit être anticipée et un pro­cessus rigoureux doit être suivi, a fortiori dans les opérations de M&A au calendrier souvent contraint. La séparation des activités offre en effet son lot de complexité, qu’il s’agisse du découpage comptable ou de l’imbrication opérationnelle des activités auxquels s’ajoutent les problématiques classiques des opérations de M&A (autorisations réglementaires, dialogue social, garantie de passif, etc.).

 

Un « détourage » souvent délicat au plan social

 

La question essentielle que soulèvent, au plan social, les opérations de détourage concerne la modalité de transfert des contrats de travail des salariés concernés.

 

A cet égard il n’est pas toujours aisé de pouvoir appliquer la règle du transfert automatique des contrats de travail prévue par l’article L.1224-1 du Code du travail du fait que celle-ci implique l’existence d’une entité économique autonome et de salariés affectés à celle-ci, à tout le moins en partie.

 

Et la Cour de cassation a fermé la porte à la possibilité d’invoquer cette même règle du transfert automatique des contrats à la faveur de l’opportune création d’une «structure créée artificiellement sans activité économique autonome antérieure» (Cass. soc., 3 mars 2009, n°07-44.653). Il n’est donc pas possible de transférer automatiquement les contrats de travail en ayant précédemment constitué, à la seule fin de ce transfert, une équipe dédiée à l’activité objet de la cession.

 

Or lorsque la règle du transfert automatique ne peut trouver application, il convient de recueillir l’accord individuel de chaque salarié ce qui peut faire obstacle à la réussite même du détourage de l’activité. Il est donc nécessaire de bien examiner ce point – en complément des sujets juridiques et fiscaux – en amont de la structuration de ce type d’opérations.

 

AUTEURS

Pierre Bonneau, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats 

Clémence Darné-Lajoux, Avocate Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats

Anne-Flore Millet, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

Cet article a été publié dans La lettre des FUSIONS-ACQUISITIONS ET DU PRIVATE EQUITY du 24 juin 2024