L’impact du Covid-19 sur les objectifs et la rémunération variable des salariés
12 octobre 2020
Si pour certaines entreprises, la crise sanitaire entraîne des performances inattendues, pour majorité d’entre elles, les conséquences de cette crise rendent difficile, voire parfois impossible, la réalisation de certains objectifs déterminés au titre de l’exercice 2020. Les employeurs peuvent-ils et doivent-ils les revoir ?
La rémunération variable et la fixation unilatérale des objectifs
La partie variable du salaire peut être versée sous la forme de commissions, bonus ou d’une prime sur objectifs.
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut définir unilatéralement les objectifs d’un salarié conditionnant la partie variable de sa rémunération, dans le cadre de plans annuels de rémunération variable ou d’objectifs notifiés annuellement par l’employeur. La jurisprudence considère que l’employeur peut modifier ces objectifs de manière discrétionnaire sous réserve que ceux-ci soient réalisables1 et aient été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice2 . La fixation des objectifs, conditionnant la partie variable de la rémunération en début d’exercice, ne requiert pas l’accord du salarié. La situation est en revanche différente lorsque l’employeur souhaite procéder à leur révision en cours d’exercice.
La révision des objectifs en cours d’exercice
Au regard des principes énoncés ci-dessus, il serait tentant de considérer que l’employeur n’ait aucune obligation de modifier les objectifs de ses salariés au titre de l’année 2020, notamment lorsque ceux-ci ont été définis unilatéralement dans le cadre de plans annuels de rémunération. Pourtant, l’obligation de bonne foi3 inhérente à l’exécution du contrat de travail semble contraindre l’employeur à devoir reconsidérer la question et ainsi, à fixer de nouveaux objectifs réalisables compte tenu de l’actuelle conjoncture économique.
A défaut, l’employeur s’exposerait à un risque de contestation du montant de la part variable versée au terme de l’exercice.
Pour procéder à la révision des objectifs en cours d’exercice, il convient au préalable de vérifier le fondement juridique des objectifs et de la rémunération variable.
L’approche ne sera évidemment pas la même selon que la rémunération variable résulte du contrat de travail ou d’un accord collectif.
S’il s’agit d’un dispositif unilatéral, le dialogue et la concertation avec les salariés dont la réalisation des objectifs est compromise doivent être privilégiés.
L’avenant est obligatoire, si la rémunération variable est prévue par accord collectif
Lorsque des éléments de rémunération variable sont prévus par accord collectif, leur modification implique la conclusion d’un avenant. En particulier, le report du versement de la prime conventionnelle demeure subordonné à l’accord exprès des partenaires sociaux. Le tribunal judiciaire de ClermontFerrand a en effet jugé récemment que les salariés du groupe Michelin ne pouvaient pas renoncer de manière individuelle, sur proposition de l’employeur, aux avantages salariaux tirés d’une convention collective. Dans ce cas, il s’agissait de modalités de calcul de leur rémunération individuelles. l’argument soutenu par le groupe Michelin, selon lequel les salariés pouvaient refuser une augmentation de leur salaire contractuel de base prévue par un accord, a été rejeté.4 Même en cette période d’incertitude économique et pour les entreprises confrontées à une baisse significative de résultats, un compromis entre les partenaires sociaux demeure la seule issue possible pour aménager la rémunération variable conventionnelle des salarié.
1. Cass., soc. 13 janvier 2009 n° 06-46.208.
2. Cass., soc. 2 mars 2011 n°08-44.977.
3. Article L.1222-1 du Code du travail.
4. Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand référé 30 juin 2020
Article paru dans la Lettre des fusions-acquisitions et du Private Equity le 12/10/2020
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