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L’action de groupe : pour de bon !

Après l’Assemblée nationale en juillet dernier, le Sénat vient à son tour d’adopter en première lecture, en des termes sensiblement identiques, l’une des mesures phare du projet de loi sur la consommation, l’introduction de l’action de groupe dans notre arsenal juridique. Ainsi, après 30 ans d’espérance pour les uns, d’inquiétude pour les autres, de multiples tentatives suivies d’échecs, une « class action » à la française devrait finalement voir le jour sous cette législature, à l’heure où la Commission européenne invite les Etats membres à se doter de mécanismes de recours collectif.

Le dispositif proposé, qui revendique d’éviter les dérives du modèle américain, se veut limité dans son champ d’application. Il ne jouera qu’au profit des consommateurs auxquels il doit permettre d’obtenir le traitement des seuls litiges de consommation ou résultant de pratiques anticoncurrentielles ; les entreprises quelle que soit leur taille n’en bénéficieront pas. L’action de groupe sera circonscrite à la réparation des préjudices patrimoniaux (ce qui exclut les préjudices extra patrimoniaux, comme les préjudices moraux) résultant d’un dommage matériel (ce qui exclut les dommages corporels et leurs conséquences) subi par les consommateurs à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services ou de la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. L’action ne pourra être introduite devant la juridiction civile que par une association de consommateurs représentative au niveau national et agréée et seuls les consommateurs qui en auront clairement exprimé le souhait seront représentés dans le cadre de cette action.

Tout d’abord, le juge statuera sur la responsabilité du professionnel au vu des cas individuels présentés par l’association requérante, définira le groupe des consommateurs concernés et ses critères de rattachement et déterminera les préjudices réparables ainsi que leur montant ou les éléments permettant leur évaluation. En matière de concurrence, le juge ne pourra retenir la responsabilité du professionnel que sur la base d’une décision, devenue définitive, constatant les manquements du professionnel par les autorités de concurrence nationales ou de l’Union européenne compétentes (dans ce cas, les manquements seront réputés établis de manière irréfragable).

Le juge ordonnera dans la même décision les mesures de publicité de celle-ci, à la charge du professionnel, afin d’informer les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe de la possibilité qu’ils ont de se joindre à l’action à des fins d’indemnisation, en précisant le délai et les modalités de leur adhésion. En effet, c’est un mécanisme d’opt-in (adhésion volontaire) qui a été préféré à celui de l’opt-out qui inclut par défaut dans le groupe toutes les victimes potentielles, celles-ci conservant la faculté de s’en exclure si elles ne souhaitent pas être parties à l’instance engagée.

Ensuite, dans la phase dite de « liquidation des préjudices », le professionnel procèdera à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’association ou du tiers que celle-ci pourra s’adjoindre avec l’autorisation du juge, selon les prévisions du jugement.

Soulignons qu’une procédure simplifiée est prévue lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et que les préjudices individuels sont d’un montant identique ; dans ce cas, le juge peut condamner le professionnel à indemniser directement et individuellement les consommateurs qui seront informés individuellement de la possibilité qu’ils ont d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision.

L’existence d’une action de groupe n’interdit pas le recours à la médiation. Seule l’association requérante pourra y participer. Tout accord négocié au nom du groupe devra être homologué par le juge et les consommateurs concernés seront informés individuellement de la possibilité qu’ils ont d’y adhérer.

Si ce dispositif est définitivement adopté dans les semaines qui viennent, comme cela se profile, les entreprises devront anticiper un nouveau type de contentieux dit « de masse », lequel n’aura pas nécessairement pour effet de mettre fin aux actions individuelles en dommages-intérêts. Ces dernières continueront de pouvoir être engagées pour la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par le juge de l’action de groupe ou de ceux subis par des consommateurs qui n’auront pas souhaité se joindre à cette action.

 

A propos de l’auteur

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat au sein du département de doctrine juridique. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, elle suit et analyse les évolutions du droit pour formuler des conseils pratiques. Elle participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 23 septembre 2013

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