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Réforme du droit des obligations : quels impacts en droit du travail ?

Réforme du droit des obligations : quels impacts en droit du travail ?

L’ordonnance du 11 février 2016 procède à une refonte globale du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont les principes essentiels avaient été posés dans le Code civil de 1804. Plus de 300 articles ont été réécrits et les juristes n’y retrouveront plus les numéros d’articles qu’ils connaissaient. Adieu à 1134, 1382 ou 2044.

Or, le droit du travail est, aussi, un droit des contrats :

  • contrats individuels avec le contrat de travail (dont l’article L1221-1 rappelle qu’ «il est soumis aux règles du droit commun») et la transaction ;
  • mais contrats collectifs aussi : du protocole préélectoral aux accords collectifs, en passant par certains accords atypiques.

Pour tous ces accords, le praticien puise sa Technique contractuelle (J.M. Mousseron, éd. Francis Lefebvre) dans la «boîte à outils» du droit des obligations. Les règles issues du droit commun des contrats ont aussi été sollicitées par les juges en garantie des droits individuels. On sait, par exemple, que les vices du consentement sont la principale limite des ruptures conventionnelles.

Cette ordonnance mérite donc un examen afin d’apprécier son impact en droit du travail.

La réforme n’est pas une révolution

Autant le dire d’entrée : la réforme n’est pas une révolution. La plupart des modifications s’inscrivent dans une logique de clarification du droit et d’intégration des apports de la jurisprudence. Par ailleurs, les règles nouvelles doivent entrer en vigueur au 1er octobre 2016 : elles ne s’appliqueront donc, pour l’essentiel, qu’aux accords et avenants conclus postérieurement. La portée de la réforme devrait, en outre, être au final assez limitée en droit du travail, le juge et la jurisprudence ayant déjà limité par ailleurs la liberté contractuelle dans beaucoup de domaines.

Faire bouger les lignes

La réforme insiste sur des principes fondamentaux préexistants comme la liberté contractuelle (dans la limite de l’ordre public), la force obligatoire du contrat ou la bonne foi. Notons que la bonne foi étant déjà rigoureusement exigée des employeurs, ce principe général applicable à tous pourrait être d’avantage sollicité pour sanctionner certains errements de salariés ou candidats à l’embauche (CV retouchés, mensonges sur l’obtention d’un diplôme, etc.). Pour les accords collectifs, cette exigence civiliste de bonne foi rejoint celle de loyauté des négociations que renforce le projet de loi EL KHOMRI en même temps qu’il renforce l’autonomie des partenaires sociaux dans le champ de la négociation collective.

Quatre nouveautés techniques à potentiel

En matière de contrat à distance (ce qui est fréquemment le cas pour les contrats de travail des cadres, envoyés pour signature à leur domicile et qu’ils retournent signés au siège de leur employeur), le code clarifie la jurisprudence et opte pour la théorie de la réception de l’acceptation (article 1121 : «Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue»). Cela pourrait avoir une incidence sur les règles de compétence interne et internationale des juridictions, lorsqu’elles renvoient au lieu de conclusion du contrat.

L’article 1216 admet la cession de contrat : «Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.» Cela pourrait permettre de donner un fondement aux conventions tripartites de transfert de contrat, fréquentes notamment dans le cadre des groupes. Rappelons cependant qu’en matière internationale, cela ne dispensera pas la maison mère qui envoie un salarié dans une filiale étrangère de respecter, en sus, les obligations de rapatriement et reclassement de l’article L1321-5 du Code du travail.

Par ailleurs, l’article 1178 consacre le principe d’une nullité consensuelle en disposant qu’un «contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord». Cette nouveauté permet de s’interroger sur la possibilité pour les parties de se servir de ce principe afin de constater la nullité d’une seule des clauses du contrat de travail (telles que la clause de non-concurrence, clause de mobilité, etc.) et non de sa totalité.

Signalons, enfin, que l’article 1183 prévoit, dans une logique de sécurité juridique, un dispositif de purge de certaines causes de nullité par une action interrogatoire. «Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé». Cette disposition sera immédiatement applicable à tous les contrats (existants ou futurs) au 1er octobre 2016. Il sera intéressant de voir les usages que pourraient en imaginer les praticiens et la réaction des juges devant un dispositif qui pourrait remettre en cause la rigueur de certaines solutions jurisprudentielles (notamment sur la clause de non-concurrence).

 

Auteurs

Caroline Froger-Michon, avocat en matière de droit social

Arnaud Reygrobellet, of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’université Paris X

 

Réforme du droit des obligations : quels impacts en droit du travail ? – Article paru dans Les Echos Business le 25 avril 2016
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