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Le risque pénal dans les opérations de fusion-acquisition (3) – Responsabilité pénale des personnes morales : de la théorie à la pratique

Le risque pénal dans les opérations de fusion-acquisition (3) – Responsabilité pénale des personnes morales : de la théorie à la pratique

Afin de procéder à l’évaluation la plus juste possible de leur valeur, les opérations de rapprochement d’entreprises donnent lieu à des audits qui permettent d’identifier les risques notamment de nature pénale présents dans la cible et, partant, les sanctions y afférentes. Il est ainsi généralement rappelé à cette occasion que les peines d’amende auxquelles sont exposées les personnes morales sont quintuplées par rapport à celles des personnes physiques et qu’elles peuvent faire l’objet de nombreuses peines complémentaires restreignant leur liberté d’action économique (interdiction d’accès aux marchés publics, fermeture temporaire, etc.).

 

De nombreux risques pénaux peuvent être identifiés dans les entreprises

En l’absence de complétude des informations transmises à l’occasion de ces opérations, comme de connaissance précise des situations de fait de la vie de l’entreprise, ces auditeurs que leur office oblige soulèvent prudemment un nombre significatif de ces risques dont l’occurrence de réalisation peut paraitre faible.

Il en va tout particulièrement ainsi dans le champ de la législation sociale : délit d’entrave, mentionné par exemple lorsque certains procès-verbaux du CSE ne sont pas communiqués ou que la base de données économique et sociale est incomplète, travail dissimulé, lorsqu’à titre d’illustration le suivi du temps de travail semble imparfait, ou encore prêt de main d’œuvre illicite, lorsque les conditions d’intervention de certains prestataires de services laissent subsister des zones d’ombre.

 

Mais la voie du contentieux civil est souvent privilégiée par les victimes

Mesure et discernement s’imposent cependant à la lecture de ces constats parfois anxiogènes si l’on observe la réalité du contentieux pénal intéressant les personnes morales.

A cet égard et si les parties peuvent elles-mêmes engager l’action pénale sans le concours du Ministère public, de telles initiatives sont plutôt rares particulièrement dans le domaine de la législation sociale.

Ainsi, les victimes d’une infraction mettant plus en jeu des intérêts particuliers que l’ordre public peuvent les conduire à s’en remettre plutôt à la justice civile pour des raisons d’efficacité : la sanction civile peut être prononcée sans nécessité de démontrer l’intention coupable de l’auteur de l’infraction (si l’on excepte le cas des infractions dites non intentionnelles pour lesquelles cette intention coupable procède de l’élément matériel du délit).

Il est plus difficile d’obtenir des condamnations dans les affaires dites « entre parties » dans lesquelles la preuve n’est pas administrée par le parquet avec le concours de la force publique.

Il en va ainsi, par exemple, des contentieux avec les salariés (harcèlement, heures supplémentaires et travail dissimulé, etc.) ou les représentants du personnel (délit d’entrave) qui sont bien plus présents devant les juridictions civiles que répressives alors qu’ils pourraient théoriquement l’être tout autant.

 

A l’argument de l’efficacité s’ajoute celui du temps : la justice civile peut être saisie plus prestement que la juridiction pénale et notamment en référé.

 

Sur le plan financier enfin : si les peines d’amende peuvent être évidemment très significatives, les sommes accordées par le juge pénal aux victimes sont généralement plus modestes. Raison supplémentaire pour lesdites victimes de se tourner plutôt vers le juge civil.

 

Une réalité néanmoins croissante du risque pénal qui oblige à la prévention

Reste que ce risque pénal ne cesse de croitre pour les personnes morales et ce, le plus souvent, dans des zones particulièrement difficiles à identifier en amont : corruption, infractions financières, atteintes à l’environnement, accidents du travail ou encore harcèlement sexuel et moral constituent autant d’infractions pouvant impliquer les personnes morales mais sans toujours pouvoir donner lieu à des indices manifestes au stade des travaux d’audit.

Or ces risques sont bien réels si l’on observe qu’entre 2000 et 2015, le nombre de condamnations des personnes morales prononcées par les tribunaux correctionnels et les tribunaux de police est passé de 200 à 5000 (1).

 

(1) « Le traitement judiciaire des infractions commises par les personnes morales », Infostat Justice n°154, août 2017

 

Article publié dans la Lettre des fusions-acquisitions et du private equity du 11 octobre 2021

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